Musique : Jay Lou Ava, gardien de la mémoire
- Par Monica NKODO
- 22 déc. 2020 11:43
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L’artiste propose le volume 1 de « Cameroon Everlasting », un album hommage à des icônes de la chanson camerounaise.
De Manu Dibango à La Rhodia, en passant par Ekambi Brillant, Eko Roosevelt, Tala André Marie, Messi Martin, Jean Bikoko, entre autres, le septième album de Jay Lou Ava ouvre un pont entre le passé et le présent. Dans « Cameroon Everlasting », qui se veut le volume 1 d’une série d’opus hommages aux légendes de la musique camerounaise, le féru de jazz explore l’éternité de l’artiste. Des titres comme « Attends-moi » d’Eko Roosevelt, « Sikati » de Tala André Marie, « Bien entendu » de Jacob Medjo Me Nsom, boivent sans sourciller la potion d’une renaissance infinie. Un mets à déguster avec gourmandise. En 15 pistes – 12 reprises et trois créations originales – il questionne la longévité de la musique du terroir, mais aussi son universalité et sa versatilité.
Il n’y a qu’à voir le nombre d’artistes d’horizons divers, venus d’Afrique, d’Amérique, d’Asie ou d’Europe qu’il invite à partager ses plages. Le « Progressive Afro Jazz » de Jay Lou Ava et les sonorités animées locales trouvent plein épanouissement dans cette triple alliance avec des notes tirées de la basse et des « instruments » à voix des Camerounais André Manga, Vicky Edimo, Gino Sitson et Valérie Bélinga ; de la Kora du Malien Yacouba Sissoko, de la cithare du japonais Kengo Saito, des percussions du fils de Calcutta (en Inde) Shyamal Maltra, des claviers du Français Jean-Philippe Rykiel ou du piano de l’Allemand Klaus Mueller. « The Magic Mvet », « Abok Bekon » et « Good Morning Cameroon », les trois exclusivités signées de l’auteur de ce legs, viennent avec force tutoyer des mélodies cultes, auxquelles le mélomane découvre des pistes encore inexploitées. Le processus est à peine entamé, tant de nombreux artistes camerounais peuvent prétendre à ce statut d’icône. Bien du courage à Jay Lou Ava.
« Cameroon Everlasting », votre nouvel album, le septième, vient d’être dévoilé pour rendre hommage à des icônes. Comment expliquez-vous le choix précis de ces 12 reprises et donc de ces 12 artistes ?
C’est le premier volume d’une série qui va continuer. Je n’ai pas repris toutes les légendes. Je ne pouvais pas faire un album avec plus de 100 artistes. J’ai choisi de représenter tout le pays dans ce premier volume. J’ai pris des musiques du nord au sud, de l’est à l’ouest. En même temps, je voulais préciser que je ne reprends seulement des tubes, mais des artistes qui ont apporté quelque chose de concret, de nouveau dans la construction de notre identité musicale. J’aime beaucoup les créateurs, des gens qui apportent leur touche à notre musique. Beaucoup d’artistes font une musique redondante. Ils font peut-être des tubes, certes, mais en réalité on n’a rien de nouveau. Mais ceux que j’ai choisis de reprendre, ont apporté quelque chose de spécial à la musique camerounaise.
Votre album pousse la réflexion autour du côté éternel de l’artiste. Comment avez-vous relevé le défi de vous approprier des œuvres à la portée immense et de les revisiter avec votre touche personnelle ?
Ce travail commence par une écoute sérieuse et profonde de ces musiques. Je vais à l’essentiel, à la mélodie créatrice qui fait ressortir la chanson. Je suis un enfant du jazz, donc dans mon travail, je suis ce qu’on appelle les thématiques. Celles-ci peuvent être réappropriées de diverses manières. Vous avez par exemple le grand classique « Summer Time » qui a eu un peu plus de 100 versions. J’ai donc appliqué cette méthode dans « Cameroon Everlasting » : je suis la musique, je capte son essence, je me l’approprie en y apportant ma touche.
Dans cet album, vous reprenez Manu Dibango, icône aux côtés de laquelle vous avez réalisé l’album « Ebotan » en 2006. Etait-ce une priorité pour vous qu’il figure sur « Cameroon Everlasting » ?
Reprendre Manu Dibango, c’était évidemment une priorité, mais pas par rapport à la relation que lui et moi entretenions. Je l’ai choisi par rapport à ce dont nous venons de discuter, cette portée qu’il suscite. Manu Dibango c’était un emblème de la musique camerounaise. C’est vraiment ce côté emblématique de Manu qui a pesé dans le choix. Mon regret est qu’il n’a pas pu écouter cette chanson de lui que j’ai reprise, mais je le lui avais dit avant, au moment d’une de nos rencontres, alors que ce projet était encore en pleine cuisson. Ce qui est marrant, c’est qu’il m’a dit : « Fais vite, on ne sait jamais. » Il est parti sans avoir écouté le produit final, mais je suis bien content d’avoir suivi son conseil.
Vous signez sur cet album de nombreuses collaborations avec des artistes internationaux. Etait-ce une manière pour vous de démontrer que la musique camerounaise peut s’associer sans complexes à toutes sortes de vents musicaux ?
Je voulais effectivement rendre cette musique camerounaise universelle. Il y a des chanteurs camerounais qui reprennent des chansons américaines ou d’ailleurs, et vice-versa, il y a des chanteurs américains ou français qui reprennent des tubes camerounais. Ce qui m’a amené à me demander pourquoi moi de même je ne me lancerais pas dans cette aventure, avec pour finalité de prouver et de démontrer cette universalité de la musique camerounaise. C’est pour cette raison que j’ai collaboré avec des musiciens du monde entier. Je voulais également que chacun d’eux apporte sa sensibilité à ce projet. Il était également question de vérifier que tous les rythmes du monde se retrouvent dans cette musique camerounaise. J’ai un peu fait le tour du monde, et je me suis rendu compte que, par exemple en Argentine, certaines de leurs musiques traditionnelles, si on enlève l’espagnol, on peut y rajouter du bassa, des langues de l’Ouest, et j’en passe. La musique camerounaise est ce qu’on peut définir comme une mosaïque de rythmes « world music ». Le swing par exemple propose des tonalités entre le makossa et le bikutsi. Ce qui rend étroitement liés le jazz et la musique camerounaise. Ils se marient facilement.
Comment êtes-vous parvenu à marier le jazz avec cette musique camerounaise forte en rythmes puissants et dansants ?
Au départ, le jazz était une musique populaire qui se dansait dans les bars, et par la suite, certaines élit...
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