Politique : debout, Mesdames !

Une image vaut mille mots… et maux. En la matière, une photo parue en Une d’un journal la semaine dernière est parlante. On y voit les personnages en habit de parti positionnés en deux dimensions : en haut, manifestement sur une estrade, des hommes, la mine sérieuse et préoccupée pour certains, sourire aux lèvres pour d’autres. En bas, disons de l’échelle : des femmes en mode danse. Le descriptif de cette illustration peut paraître caricatural, mais son analyse sémiotique renvoie à une autre réalité, consciente ou inconsciente. Dans ce parti politique comme dans tous les autres, les femmes tardent à être massivement en première ligne des cercles de décision. Certes, elles effectuent une percée non négligeable au sortir des élections sénatoriales cette année, avec 28 élues sur 70. Des chiffres revus à la hausse avec la nomination de cinq femmes sur 30 autres sénateurs par le président de la République, le 31 mars dernier. 
Aux législatures précédentes, elles ont occupé 20 sièges sur les 100 dont dispose la chambre haute entre 2013 et 2018, puis 26 de 2018 à 2023. S’agissant des députés à l’Assemblée nationale, le chiffre est passé de 23 entre 1992 et 1997 à 57 en 2013-2018, puis à 61 à l'issue du double scrutin législatif et municipal du 09 février 2020. L’on compte 35 femmes maires sur 360 postes dans les exécutifs communaux, 11 femmes dans le gouvernement. Constat général : les statistiques sont certes évolutives, mais les femmes sont encore trop peu représentées dans le secteur politique et occupent beaucoup moins de postes influents que les hommes.  Elles représentent pourtant 51% de la population, sont très actives pour maintenir l’éveil et mobiliser. Chacun peut l’observer lors des grands rassemblements politiques, tous partis confondus. Elles sont capables de parcourir des dizaines de kilomètres à pied dans les zones reculées pour porter les messages et battre le rappel des troupes. Hélas, au-delà de ce travail de fourmi sur le terrain, les femmes continuent d’être à la traîne en termes de participation et d’occasions politiques, avec un retard de l’ordre d’au moins 70% sur les hommes. 
En matière de vivier électoral, les femmes constituent pourtant une force indéniable. Une enquête du Centre des Nations unies pour les Droits de l'Homme et la Démocratie en Afrique centrale, publiée en septembre 2011, indique que l'électorat lors des législatives et municipales de 2007 était composé de 5 millions de personnes dont 35% de femmes. Le nombre de suffrages valablement exprimés cette année-là était d'environ 3 millions dont 37% de femmes. Quatre ans plus tard, à la présidentielle de 2011, le fichier électoral relevait 7,5 millions de personnes régulièrement inscrites dont 48,8% de femmes. Soit une augmentation de 13,8 points et une quasi-parité. Comment comprendre que cette force ne puisse point être capitalisée en faveur de la gent féminine ? Une telle situation n’est pas conséquente avec les ambitions de la démocratie camerounaise qui se veut moderne. Et encore moins avec la pensée politique du président de la République, à l’égard des femmes. « Nous souhaitons plus de femmes dans les parlements et comme décideurs politiques, car c’est une question d’équité et de respect du genre. L’égal accès des femmes aux postes de décision et la lutte contre toutes formes de discrimination sexiste participent indéniablement à la construction d’une société humaine plus ouverte et juste ». Dixit Paul Biya, dans le Women in Parliaments Global Forum supportant la campagne HeForShe d’ONU Femmes. Au regard de cette vision, il doit désormais être question de permettre aux femmes de réaliser leur plein potentiel politique. Cela nécessite des modifications dans les pratiques des institutions et surtout dans les attitudes, tant chez les hommes que les femmes. Le « fiasco » des toutes premières élections régionales camerounaises, le 6 décembre 2020, avec aucune femme élue à la tête d’un Conseil régional, couplé à plusieurs autres ratés dans le parcours de la génération actuelle de politiciennes, doit amener les femmes à se réajuster. Et ce sur la base d’un premier enseignement qui traversera les époques : les hommes ne feront jamais de cadeaux aux femmes et ne les laisseront jamais passer de gaité de cœur.  
La preuve : les exigences du Code électoral en matière d’approche genre à travers le respect du quota de 30%, conformément aux dispositions du Plan d'action de Beijing, est foulé au pied dans de nombreuses instances politiques. Entre les consignes générales de féminisation des listes, lors d’échéances électorales, et la réalité sur le terrain, il y a souvent un abîme. De ce fait, les femmes ne doivent plus rester dans la position inconfortable d’attendre l’aumône des hommes politiques. Ce n’est pas demain la veille, où l’on peut espérer voir ces derniers, dans une grande mansuétude, porter peut-être leur choix sur plusieurs d’entre elles, les fabriquer et les mettre sur orbite, comme on voit les faiseurs de rois procéder avec leurs poulains. En effet, de nombreux hommes sans relief politiqu...

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