« L’implication des populations améliore la qualité des projets »

Patrick Hervé Wan, expert en gouvernance territoriale.

Quelle appréciation globale faites-vous de la participation citoyenne dans un contexte de mise en œuvre de la décentralisation ?
Au Cameroun, la participation citoyenne est associée à l’actuelle politique de décentralisation, institutionnalisée en 1996. L’argument invoqué en faveur de la décentralisation était qu’elle pouvait promouvoir la gouvernance locale, la démocratie et le développement local grâce à une participation populaire aux élections locales, à une amélioration de la représentation et à un renforcement de la position des citoyens. Ce qui ouvrirait la voie à une planification locale et à un processus décisionnel efficace, ainsi qu’à la bonne mise en œuvre de projets de développement capables de produire des avantages pour tous. Le système décentralisé de gouvernance locale au Cameroun se fonde sur une hypothèse fondamentale, à savoir qu’elle permettrait aux citoyens de participer effectivement au processus décisionnel dans le domaine du développement local et d’obliger leurs dirigeants à rendre compte de leur action et à les prendre en considération. De ce qui précède, la participation citoyenne fait actuellement partie du paradigme du nouveau management public qui cherche à offrir aux citoyens plus de choix, à stimuler la concurrence et à rendre le service public plus attentif aux intérêts des citoyens au sens large. On part également du principe que les dirigeants élus serviraient les intérêts de leurs électeurs. Même si la réalité sur le terrain fait apparaître des situations mitigées. 

En quoi l’implication des populations est-elle importante dans la réalisation des projets menés au sein des collectivités territoriales décentralisées ? 
La mobilisation des habitants est l’une des composantes de l’animation territoriale, avec, entre autres, la participation citoyenne dont elle diffère tout en étant liée. Elle peut être très ponctuelle et peut tout aussi bien s’étaler dans le temps. Elle est en outre la condition ou la première étape d’un processus participatif. L’implication des habitants dans des projets de développement local est un vecteur d’amélioration de la qualité des projets, de la dynamique et de la gouvernance locale. Au regard de ce qui précède, l’implication des populations est importante dans la mesure où elle est la principale bénéficiaire des projets. En ce sens aussi qu’elle est au début et à la fin du processus, et qu’elle sera au centre du mécanisme d’entretien.  

Des études révèlent pourtant un manque d’implication de la population dans les questions de gouvernance locale dans certains cas. Comment inverser la tendance ?
Faire une place à la délibération et à la concertation avec les habitants dans la politique locale oblige à concevoir un nouveau mode d’action publique. Il s’agit d’accepter une complexification de la prise de décision. Les rythmes de la délibération publique ne sont en effet pas les mêmes que ceux de l’action des services municipaux. L’épreuve de la discussion publique est coûteuse en temps et en énergie. Elle contraint notamment les services techniques à de nouvelles formes de présentation et de justification des projets. Elle oblige à les reformuler, à en expliciter les enjeux, à renoncer à certaines évidences techniques, ainsi qu’au discours d’autorité. Elle peut déboucher sur l’abandon de dossiers qui auraient reçu le double aval de l’expertise technique et de l’autorité politique. Sans aller jusqu’à une organisation territoriale des services, elle contraint à une transformation des habitudes de pensée et des modes d’intervention de l’ensemble des acteurs politiques et administratifs locaux. 
La délibération suppose également, à titre de condition préalable, une volonté politique sans faille et la mise à disposition de moyens logistiques et financiers conséquents aux instances participatives de quartier. Elle exige que les responsables chargés de cette démocratisation de l’action municipale ne soient pas recrutés ou relégués au bas des hiérarchies formelles et informelles. Elle sous-entend que la compétence professionnelle et technique de ceux qui interviennent directement dans les quartiers sera reconnue et valorisée. Elle implique enfin un suivi effectif et efficace des vœux de la population, ainsi que la restitution de comptes rendus réguliers sur l’évolution des dossiers. On imagine le risque que ferait courir à l’idée même de participation le refus de prendre en compte de tels conditions et préalables : la frustration et la déception des habitants qui auraient pu un temps vouloir s’y investir. C’est bien parce qu’il s’agit là d’un défi majeur, d’une politique qui met en jeu les relations que les citoyens entretiennent avec l’action politique, qu’il faut redoubler d’exigence quant à se...

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