« Paul Biya a toujours été un homme de dialogue et d’ouverture »
- Par Lucien BODO
- 06 nov. 2024 12:02
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Pr. Amougou Mbarga, politologue, Université de Douala.
L’un des défis majeurs du Renouveau depuis son avènement est la préservation de l’unité nationale. 42 ans plus tard, on observe des velléités sécessionnistes dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest et une tendance au discours haineux et au tribalisme. Selon vous, que faire pour s’assurer que le pays reste un et indivisible ?
L’unité nationale a été construite sur deux pôles majeurs : les principes régaliens de l’État et la permanence d’un discours politique. Avec le pôle régalien, les forces de défense et de sécurité doivent continuer d’assurer leur mission de préservation de l’intégrité territoriale. Le chef de l’État doit, dans le même temps, continuer d’appeler à la vigilance en sa qualité de garant des institutions. On peut toutefois constater que cette unité nationale est mise à mal par la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Les discours haineux et à connotation tribaliste sont également un problème pour la cohésion nationale. De ces deux observations, il découle que le bilinguisme intégral et la promotion du multiculturalisme doivent être renforcés pour des meilleures intégration et cohésion nationales. On peut également faire le pari de la jeunesse, à travers la multiplication des colonies interrégionales de vacances pour amener les Camerounais à découvrir leur pays par un meilleur brassage culturel.
Quelle évaluation faites-vous de la méthode Biya, en ce qui concerne l’ouverture démocratique et la promotion du dialogue politique ?
Dès l’année 1988, le RDPC, bien que parti unique, a organisé la concurrence interne. En 1990, et contre l’avis de certains caciques de son parti, le président Paul Biya a invité les militants de cette formation politique à se préparer à une éventuelle concurrence. Il s’agit de faits à mettre à son crédit pour l’ouverture démocratique. D’ailleurs, cette ouverture s’est traduite par une cession des libertés, une nouvelle constitution et des élections pluralistes. À ce jour, la quasi-totalité des institutions prévues par la Constitution est en place. Mais, l’ouverture démocratique ne saurait être l’affaire du président de la République seul. Les autres acteurs et les forces vives doivent s’impliquer. S’agissant de la promotion du dialogue, il faut le distinguer à plusieurs niveaux. On a le dialogue démocratique, avec les rencontres et les entrevues avec les leaders des partis politiques. Nous avons le dialogue social avec la prise en considération de certains problèmes qui touchent les citoyens (motos-taxis, populations sinistrées par les catastrophes diverses, etc.). Il y a également le dialogue institutionnel comme la stratégie de résolution du problème de Bakassi ou la coopération dans la lutte contre Boko Haram. Et l’on peut évoquer aussi le dialogue politique dont les images les plus marquantes sont la Tripartite de 1991 et le Grand dialogue national de 2019.
Dans le domaine de la décentralisation, les maires et les présidents de Conseil régional et de Conseil exécutif régional demandent davantage d’effort au gouvernement. Que faire pour que ce processus enregistre de meilleurs résultats que ceux qu’on a pu voir jusqu’ici ?
Il y a effectivement toute la panoplie institutionnelle et légale relevant du pouvoir central qui doit être mise en place. Par exemple, le décret sur la fonction publique locale est toujours attendu. De plus, il faudrait signaler que la décentralisation n’est pas du seul ressort du pouvoir central. Les lois de 2004, de 2010, le Code général des collectivités territoriales décentralisées (CTD) et d’autres textes subséquents donnent déjà d’énormes possibilités d’action aux maires et aux exécutifs régionaux. Il faut toutefois rappeler que le transfert de compétences doit s’accompagner du transfert de ressources. Cela n’est pas une excuse à l’inaction de la part des exécutifs locaux. La loi portant fiscalité locale doit suffisamment être exploitée et la coopération décentralisée doit être explorée au maximum. L’on peut aussi noter que le gouverneur et le préfet disposent d’énormes pouvoirs au niveau local. Le décret portant organisation de la territoriale devrait être ajusté au Code général des CTD, notamment en ce qui concerne les pouvoirs économiques et les pouvoirs de police des gouverneurs et des préfets.
Il est important de noter que la décentralisation ne va pas faire disparaître le pouvoir central. Les interventions du pouvoir central seront toujours des interventions sur des territoires. À titre d’exemple, si le pouvoir central construit une route ou une école, ou crée une entreprise, cette structure peut se retrouver dans une ou plusieurs régions. Et donc, forcément aussi, dans des communes. Il peut ainsi arriver qu’il se crée un problème de concurrence ou de juxtaposition. La décentralisation est édifiée sur trois principes : la complémentarité, la subsidiarité et la tutelle. Chaque acteur du haut et du bas doit en avoir la pleine conscience et la compréhension.
Les maires et les présidents de régions doivent comprendre qu’ils ne sont pas en concurrence avec le pouvoir central. Auquel cas, cela porterait atteinte à l’unité nationale. Sous un autre regard, les autorités centrales doivent comprendre que certaines politiques publiques seraient plus efficaces si elles étaient prises au niveau local.
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