Médecine traditionnelle : salutaire prescription

« Que celui qui n’a pas encore eu recours à la médecine traditionnelle lève son petit doigt ! » Entrons dans ce sujet passionnant en paraphrasant le talentueux chanteur de bikutsi Aï-Jo Mamadou, qui nous a quittés récemment. La médecine traditionnelle a une longue histoire dans tous les pays. Au Cameroun, son histoire s’est accélérée depuis le 14 novembre dernier. Elle a en effet connu un rebondissement spectaculaire avec l’adoption du projet de loi portant exercice et organisation de ce secteur par l’Assemblée nationale et le Sénat. La troisième session ordinaire de l’année législative en cours a sorti la médecine traditionnelle de la « clandestinité », pourrait-on dire, même si elle bénéficiait jusque-là de la tolérance administrative. Il s’agit de la reconnaissance de cette forme de médecine expérimentée déjà dans plus de 170 pays, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Les élus et les sénateurs donnent ainsi leur onction, en attendant la promulgation de cette loi par le président de la République. Pour le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie, l’avènement de la médecine traditionnelle constitue « une avancée majeure » dans notre système de santé au moment où celui-ci aborde le virage décisif de la couverture santé universelle. Les représentants du peuple ont mis fin à l’hypocrisie qui entourait son existence, et qui consistait à la tourner en dérision en journée et à lui faire les yeux doux la nuit tombée. Les tradipraticiens qui mettaient la pression pour qu’elle soit reconnue et le gouvernement, le régulateur, qui voulait s’assurer que les textes devant la régir étaient les meilleurs, se mettent désormais ensemble pour implémenter la mise en œuvre de cette loi qui va enrichir la palette des textes encadrant notre système de santé.
La petite potion de la grand-mère, fruit de quelques plantes récoltées à la va-vite derrière sa case pour soigner une diarrhée, la prescription du tradipraticien pour neutraliser des hémorroïdes, pour ne citer que ces exemples, sortent ainsi du bois pour prendre place au cœur du village. Chaque Camerounais a une histoire avec la médecine traditionnelle dans un ou l’autre versant. Parce qu’aux yeux du législateur, si elle vient enrichir l’offre de soins fournis par la médecine conventionnelle ou moderne, elle ne doit pas être un terrain de jeu pour les charlatans, les marabouts et autres apprentis-sorciers qui menacent de prendre en otage son exercice. Selon l’OMS, la médecine traditionnelle est la somme des connaissances, des compétences et des pratiques fondées sur les théories, les croyances et les expériences propres à différentes cultures, qu’elles soient explicables ou non, utilisées dans le maintien de la santé et la prévention, le diagnostic, l’amélioration ou le traitement des maladies physiques et mentales. 
L’OMS reconnaît que la médecine traditionnelle offre de nombreux bienfaits. Elle recommande ainsi d’adopter une démarche fondée sur des données probantes ; même si les médicaments traditionnels sont issus d’une pratique de longue date et sont naturels, nuance-t-elle. Il est donc essentiel d’établir l’efficacité et l’innocuité des médicaments traditionnels moyennant des essais cliniques rigoureux. Pour l’OMS, la médecine traditionnelle ne doit pas être en concurrence avec la médecine moderne. Les deux ont un même objectif. Ils concourent aux soins de qualité et au bien-être des populations. La pratique des deux formes de médecine est sous-tendue par un débat idéologique structuré autour de la promotion de la médecine moderne par les pays industrialisés, et de la vulgarisation de la médecine traditionnelle défendue par les pays émergents. L’Inde et la Chine, le Chili, entre autres, sont de grands apôtres de la médecine traditionnelle. Son usage est très répandu dans toutes les régions du monde en développement, dont l’Afrique. Elle ne cesse d’ailleurs de gagner du terrain dans les pays industrialisés. Le Canada, l’Australie, la France, les Etats-Unis la « consomment » de plus en plus, selon plusieurs études. 
En Afrique, selon l’OMS, plus de 80% de la population fait recours à elle. Depuis des décennies, le 31 août de chaque ann&eac...

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