Interview : « Des réparations et des excuses sont envisageables »

Pr. Jean Koufan, historien, membre de la « Commission mémoire » Cameroun – France.


Le rapport de la Commission mixte franco-camerounaise mise en place pour faire la lumière sur le rôle de la France dans la répression des indépendantistes et de l’opposition camerounais de 1945 à 1971 a été présenté aux chefs d’État français et camerounais. Vous en faites d’ailleurs partie. Pourquoi était-il nécessaire de se pencher plus en profondeur sur cette partie de l’histoire de notre pays avec la France?
De notre point de vue, cette séquence de l’histoire, 1945-1971, est restée longtemps peu investiguée dans l’historiographie des rapports entre la France et le Cameroun, en raison de l’inaccessibilité des archives françaises. La France avait sans doute ses raisons d’ouvrir enfin ces archives tant convoitées par les chercheurs camerounais.


Il existe déjà des études et des ouvrages sur le sujet. Qu’est-ce que ce rapport apporte de plus ?
Ce rapport scientifique fournit une analyse historique et historiographique du rôle de la France au Cameroun sur la période concernée dans une perspective comparée avec les autres guerres de décolonisation. La commission a travaillé dans un environnement empreint de sérénité, ce d’autant plus que l’Etat français ne pouvait pas mettre en place une telle structure constituée de chercheur indépendants camerounais et français pour faire la lumière sur le rôle de la France dans la répression au Cameroun et en même temps cacher les archives et l’empêcher de faire son travail. Dans cette perspective, des instructions ont été données par les autorités françaises pour une ouverture totale des archives et un accès facilité.
En terme d’apports, il y en a trois : la reconnaissance probable par la France de l’existence des violences extrêmes exercées par les autorités coloniales et l’armée française durant la période étudiée ; l’évaluation du soutien politique, militaire et financier apporté par la République française à l’Etat camerounais dans sa lutte à mort contre l’UPC ; la mise à la disposition des chercheurs d’une masse d’archives inédites. 1100 cartons dépouillés en archives, 2300 documents français déclassifiés et une dizaine d’archives privées, dons des familles de Français impliqués dans ces événements violents.


Le rapport aborde tous les aspects de cette période, y compris les épisodes les plus sanglants et établit des responsabilités claires sur la base des archives que vous avez consultées et des témoignages d’acteurs et de témoins vivants. Révélées au grand jour, ces vérités, jusque-là cachées, ne sont-elles pas de nature à créer un ressentiment aussi bien des Camerounais vis-à-vis des Français que de Camerounais vis-à-vis d’autres Camerounais ?
Le rapport a vocation à servir de base à la prise de mesures politiques ou « mémorielles » d’où les recommandations faites à la fin dudit rapport. Cependant, nul ne peut empêcher des affects liés au trauma et aux traumatismes des individus ou des groupes sociaux ou ethniques. Mais, cette récupération possible ou ces interprétations subjectives et politiciennes ne sont pas l’intention de la quintessence de ce document.


Que représente ce document pour la communauté des chercheurs qui souhaiteraient s’intéresser à ces questions ?
Il va sans dire que ce document, qui n’est que la suite de plusieurs autres, est une aubaine extraordinaire qui ouvre de nouveaux chantiers scientifiques dans l&rsqu...

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