Agents publics : servir et non se servir

Pour de nombreux personnels qui abusent de leurs fonctions dans l’administration publique, l’État n’est ni plus ni moins qu’une vache à lait à traire. S’appuyant sur le dicton populaire selon lequel « la chèvre broute là où elle est attachée », des fonctionnaires et agents de l’État véreux usent ainsi de tous les stratagèmes pour extorquer de l’argent aux citoyens qu’ils sont pourtant censés servir dans la dignité et l’honneur. La pratique est si rampante qu’elle a récemment poussé le directeur général des Douanes, Fongod Edwin Nuvaga, à sortir à nouveau de ses gonds. En effet, dans une note adressée le 7 mars dernier aux chefs de secteur et coordonnateurs de zone de la mission spéciale HALCOMI III (Halte au commerce illicite), le patron des gabelous constate pour le déplorer que pendant les contrôles routiers, « certains fonctionnaires des douanes exerçant dans les unités d’active continuent de saisir les véhicules pour motif de la mauvaise détermination de leurs valeurs imposables ». Et ce, ajoute-t-il, malgré le message porté du superviseur général délégué de cette Mission spéciale relatif justement à cette interdiction de saisir les véhicules déjà dédouanés même si les droits de douane payés semblent inférieurs au montant réel, d’après l’appréciation du douanier effectuant le contrôle.
 Comment comprendre cet entêtement de certains à violer les consignes pourtant claires reçues de leur hiérarchie, si cette obstination ne relève pas de manœuvres ouvrant la porte au racket ? En tout état de cause, pour des actes de corruption et infractions assimilées, l’administration des finances dont fait partie la douane figure parmi les secteurs les plus dénoncés dans les Rapports de la Commission nationale anti-corruption (Conac). C’est dire que le Directeur général des Douanes sait de quoi il s’agit. Il n’est donc pas passé par quatre chemins pour affirmer sa ferme volonté de tordre le cou aux agissements décriés. Plus incisif, il dit clairement aux destinataires dudit message : « Afin de mettre un terme à ces dysfonctionnements qui occasionnent des pratiques malsaines et ternissent l’image de l’administration des Douanes, je vous invite à tenir la main ferme au strict respect de ladite note par tous les personnels placés sous votre autorité ».
Avant cette sortie musclée du Directeur général des Douanes, le ministre de l’Administration territoriale (Minat), Paul Atanga Nji, était monté au créneau pour dénoncer les « contributions pour l’organisation des cérémonies ». S’adressant le 16 février dernier aux gouverneurs de région et aux préfets, le patron du commandement territorial déclare que « son attention a été appelée de manière régulière sur des pratiques peu orthodoxes consistant à recourir à des quêtes et à solliciter des contributions auprès des prestataires et des promoteurs du secteur privé pour l’organisation des cérémonies officielles ». Une fois le constat posé, le ministre analyse l’impact négatif de ce comportement déviant. Il estime notamment que « de telles pratiques, du reste répréhensibles, procèdent des dérives qui sont contraires à l’éthique et à la déontologie professionnelle. Elles participent en outre à la fragilisation de l’autorité des chefs de circonscription administratives et par ricochet, de l’autorité de l’État ». Raison pour laquelle Paul Atanga Nji demande sans autre forme de procès aux destinataires de son message d’enjoindre les chefs de circonscriptions administratives de leurs ressorts de commandement respectifs, « de surseoir dorénavant à de telles pratiques avilissantes pour le corps préfectoral ». À l’observation, plusieurs zones d’ombre entourent ce genre de quête. En particulier, le manque de publicité sur les contributions individuelles reçues, le montant total collecté et l’utilisation qui en est faite. Si bien qu’au terme du processus, nul ne peut savoir, sauf à être dans le secret des dieux, si l’argent a été utilisé judicieusement ou non. Sans que ne flotte dans l’air l’idée qu’une partie de l’argent a servi les intérêts personnels de l’initiateur de la quête. Dans ces conditions, d’aucuns ne se gênent pas pour parler de « mendicité ».
Quoi qu’il en soit, le seul fait de recourir aux collectes de fonds pour soi-disant financer des cérémonies officielles au motif que la dotation reçue à cette fin est insuffisante par rapport aux besoins pose problème. Analysant les conséquences désastreuses de cette pratique à divers niveaux de la chaîne de commandement, David Abouem à Tchoyi, administrateur civil principal et ancien gouverneur de région renchérit : « La main qui sollicite étant en dessous de celle qui donne, le chef de circonscription administrative y perd une partie de son autorité, de sa respectabilité et de son indépendance. L’État quant à lui y perd un peu de sa dignité ; son image s’en trouvant ternie. D’autant plus que certains des opérateurs sollicités peuvent se prévaloir à leur tour de cette situati...

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