« L’informatisation apportera de nombreuses innovations »

Alexandre Marie Yomo, directeur général du Bureau national de l’état civil.

M. le directeur général, lors du Conseil de Cabinet de la semaine dernière, le Premier ministre, chef du gouvernement, a déploré des failles dans notre système national d’état civil. Impression partagée par les maires lors du forum sur l’enregistrement universel des naissances vendredi et samedi derniers. Qu’est-ce qui fait problème, selon vous ?
Le fonctionnement du système de l’état civil du Cameroun a fait l’objet de trois études respectivement menées en 2006-2007 par Civipol Conseil, en 2016 par le Bunec et l’Unicef et en 2023 par la Banque mondiale. Ces différentes études révèlent de nombreux dysfonctionnements. Sur le plan juridique : la faiblesse de l’appropriation et de l’application des textes par les officiers et secrétaires d’état civil, avec pour conséquence le développement de la fraude documentaire ; le non-respect du principe légal de gratuité de la délivrance des actes de l’état civil. Sur le plan de la demande : la méconnaissance des populations de l’importance de l’état civil ; la faible demande en raison des pesanteurs socioculturelles et religieuses ; le déplacement de nombreuses populations en raison de la situation sécuritaire dans certaines localités du pays. Sur le plan de l’offre de l’état civil : le non-fonctionnement d’environ 10% des centres secondaires d’état civil ; les difficultés d’approvisionnement en registres d’état civil, en raison de l’insuffisance et de l’instabilité des allocations budgétaires, et des contraintes du processus de production desdits documents par l’Imprimerie nationale ; la forte distanciation entre les centres d’état civil et les populations dans certaines localités ; le mauvais archivage des registres. Sur le plan du financement, on note la non-prise en charge des personnels des centres secondaires d’état civil, l’insuffisance du financement du Bunec, la fragmentation des financements des partenaires dans les projets, etc.

Les statistiques font état de plus de 7 millions de personnes dépourvues d’acte de naissance, pour ne prendre que le cas de cette pièce. Au regard de cela, avez-vous l’impression que chaque acteur concerné, le Bunec en tête, joue pleinement son rôle ?
Je voudrais relever que la problématique des personnes vivant sans acte de naissance n’est pas une spécificité camerounaise. La Banque mondiale, par le canal de «  l’initiative Identification pour le Développement », estime aujourd’hui que près de 850 millions de personnes dans le monde, dont la moitié se trouve en Afrique subsaharienne, n’ont pas de preuve de leur identité, parce que non enregistrées à l’état civil. Soit près de 15 % de la population mondiale, considérée comme fantôme et menacée d’apatridie. Ces statistiques montrent, à elles seules, l’ampleur du défi et des efforts à fournir en vue de doter toutes les populations, y compris les ressortissants étrangers, les réfugiés et les demandeurs d’asile, de moyens essentiels d’obtenir un acte de naissance et d’accéder, consécutivement à leur identité, à leurs droits fondamentaux et à la reconnaissance de leur statut individuel dans le monde. Ce faisant, les pouvoirs publics et les autres parties prenantes ont pris conscience de faire des efforts pour réduire ou éliminer les obstacles qui empêchent encore les citoyens d’obtenir leurs actes de naissance. Parmi les actions mises en place, l’on peut citer : l’organisation des campagnes de sensibilisation des populations sur l’importance de la déclaration des naissances ; l’ouverture des bureaux d’état civil dans les formations sanitaires ; la prise en compte des questions d’état civil dans les campagnes de santé publique ; l’organisation des opérations d’enregistrement massif des personnes sans acte de naissance, etc. 

Le gouvernement considère la digitalisation comme l’un des leviers importants pouvant permettre d’améliorer la situation. Qu’est-ce que celle-ci pourrait permettre de résoudre comme problème ?
L’informatisation apportera comme innovations : la sécurisation de la nationalité camerounaise ; la certification de la conformité et de l’authenticité des copies et extraits d’actes pour combattre la fraude à l’état civil ; la gestion efficace de l’antériorité des actes d’état civil (numérisation et indexation) ; la production des statistiques d’état civil en mettant en œuvre un entrepôt de données statistiques à partir de la base de données centrale du système d’information de l’état civil ; l’interopérabilité...

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