Le discours très convenu des dirigeants du monde sur la réforme du système des Nations unies, et particulièrement celle du Conseil de sécurité cache mal une persistance du désir d’hégémonie chez les plus puissants. Alors que le sujet est encore revenu sur la table lors du débat général de la 79e Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies, il y a deux semaines, les positions des uns et des autres ne semblent pas vraiment indiquer l’imminence d’un passage à l’acte. Tellement il est difficile de dire si la détermination des uns peut réussir à venir à bout de la langue de bois des autres. C’est de bonne guerre dirait-on, dans un monde en pleine mutation. Avec d’une part, les anciennes grandes puissances, qui ont dessiné les Nations unies dans leur configuration actuelle et qui y sont si confortables qu’elles ne voient aucun inconvénient à y demeurer en l’état. Et de l’autre, les puissances émergentes, qui poussent et réclament une meilleure prise en compte du principe d’égalité, mais aussi des réalités d’aujourd’hui.
Dans ce concert de revendications, le continent africain a évidemment son mot à dire. Et il s’exprime si bien depuis quelques années déjà. Dernier exemple en date, la déclaration du président de la République du Cameroun, lue en son nom par le ministre des Relations extérieures, Lejeune Mbella Mbella, le 26 septembre dernier dans le cadre du Débat général. Paul Biya en constant défenseur de la réforme en question, l’érige cette fois au rang de priorité. « Etant donné que l’Afrique demeure à ce jour le seul continent ne disposant pas d’un membre permanent au sein dudit conseil, il devient impératif et urgent que cette injustice soit corrigée et que notre continent puisse disposer à juste titre d’une représentation équitable en qualité de membre à part de cet important organe. Ceci appelle l’octroi de deux sièges permanents avec droit de veto et de deux autres sièges additionnels non permanents. »
La position sans complexe du président camerounais tient d’au moins deux choses. D’abord, son aversion légendaire pour les conflits de manière générale. Et pour la guerre en particulier. Ainsi, pour le chef de l’Etat, la multiplication actuelle des foyers de tension à travers la planète alimente la course aux armements, notamment avec l’usage de plus en plus fréquent des armes de destruction massive, et la menace forte de recours aux armes nucléaires dont le souvenir reste un profond traumatisme pour l’humanité. Paul Biya estime donc qu’il faut inverser au plus vite cette tendance et s’affranchir de la guerre. Pas surprenant de la part de celui qui se présente volontiers comme un « mendiant de la paix » et qui a fait du dialogue et la concertation, une véritable marque de fabrique. Ainsi, le numéro un camerounais pense qu’une présence africaine forte au sein d’un conseil de sécurité réformé peut servir de contrepoids fort face aux va-t-en-guerre et à leurs luttes d’intérêts autour des marchés de l’armement.
L’autre facteur qui peut expliquer l’assurance dans les prétentions affichées par le discours du président de la République, c’est bien la prise de conscience des Africains, de devenir progressivement le « centre du monde ». Tous les indicateurs de développement convergent vers cette idée : le continent noir est incontestablement le continent de l’avenir. Pour ses richesses naturelles évidemment, pour sa relative virginité en matière d’industrialisation, sa « propreté » en termes de pollution et pour le potentiel immense qu’il représente par conséquent. Les grandes puissances l’ont très bien compris. Aussi bien les géants de l’Occident que les nouveaux pays émergents, tous tournent autour de l’Afrique depuis ces dernières années, comme l’indiquent la multiplication des cadres de coopération : France-Afrique, Chine-Afrique, Etats-Unis-Afrique, Russie-Afrique, Corée du sud-Afrique, Turquie-Afrique… et la litanie est loin d’être achevée.
Comment alors, dans une telle configuration géopolitique, l’Afrique peut-elle raisonnablement continuer à occuper une position de faire-valoir ? Absolument non ! Voilà qui fonde et légitime les revendications du continent, comme celles de toutes les autres parties du monde qui s...
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