Torture : cette vieille pratique qui défie le temps

L’opinion publique et les organisations de défense des droits de l’homme attendent les conclusions de l’enquête instruite par le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense sur ce qu’il convient désormais d’appeler « l’affaire Longué Longué ». Après la diffusion sur les réseaux, il y a quelques jours, d’une vidéo montrant les violences physiques et morales subies par l’artiste dans les locaux d’une unité militaire basée à Douala, Joseph Beti Assomo a, toutes affaires cessantes, ordonné l’ouverture d’une enquête par ses services spécialisés « pour faire toute la lumière sur cette affaire ». Le Mindef promet que les responsabilités seront établies et les conséquences tirées en fonction des résultats de l’enquête, conformément aux lois et règlements en vigueur. Le célèbre chanteur impute ces sévices aux agents de la sécurité militaire de la garnison de Douala. La diffusion de ces images insoutenables et bouleversantes a créé un choc au sein de l’opinion publique.
Cette actualité ravive le débat sur la question et la récurrence des actes de torture au Cameroun, notamment dans certaines unités des forces de défense et de sécurité. Il faut dire que malgré la batterie d’instruments juridiques de protection des droits de l’homme que le Cameroun s’est donné et en dépit des sanctions administratives, pénales et disciplinaires régulièrement infligées aux auteurs des actes et traitements inhumains, cruels et dégradants, la torture se montre toujours tenace. Pourtant, contrairement à un courant de pensée, le Cameroun se hisse parmi les Etats qui, depuis plusieurs décennies, ont mis en place un arsenal juridique portant interdiction absolue de la torture en temps de paix comme en temps de guerre. Cette posture avant-gardiste contre la torture s’illustre par l’adhésion le 19 décembre 1986 du pays à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée le 10 décembre 1984 par l'Assemblée générale des Nations unies. Elle a acquis force de loi depuis le 26 juin 1987. Sur le plan interne, le gouvernement a pris des mesures législatives, administratives et judiciaires qui vont au-delà de la protection de la personne humaine contre les seuls actes de torture, pour embrasser le vaste champ des droits fondamentaux de la personne humaine. Dans son préambule, la constitution du 18 janvier 1996 ne laisse aucune ambiguïté sur l’interdiction de la torture. On peut y lire : « Nul ne peut être contraint de faire ce que la loi n'ordonne pas », « nul ne peut être inquiété en raison de ses origines, de ses opinions ou croyances en matière religieuse, philosophique ou politique sous réserve du respect de l'ordre public et des bonnes mœurs », « toute personne a droit à la vie et à l'intégrité physique et morale. Elle doit être traitée en toute circonstance avec humanité. En aucun cas, elle ne peut être soumise à la torture, à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».
Cette volonté politique se concrétise également par la répression de la torture par la loi portant Code pénal (modifiée le 12 juillet 2016). L’article 277 inflige des peines graduelles, allant jusqu’à la perpétuité selon le degré de torture subie par la victime. Les alinéas 6 et 7 de cet article excluent « toute circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de tout autre état d'exception pour justifier la torture ou l'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique ». 
Au niveau des forces de défense et de sécurité, les hauts responsables se montrent toujours intraitables à l’égard des « agents tortionnaires ». Des fonctionnaires de la sûreté nationale, des militaires et des gendarmes sont régulièrement écroués, condamnés à des peines privatives de liberté, suspendus, révoqués…pour s’être rendus coupables d’actes de torture infligés aux justiciables. On se rappelle qu’en 1997, deux commissaires de la sécurité publique (3è et 5è arrondissement de la ville de Yaoundé) ainsi que leurs collaborateurs ont été condamnés à des peines d’emprisonnement ferme après la torture suivie de la mort de deux jeunes gens dans les cellules de leurs unités respectives. Les mêmes peines ont été infligées en 2020 et 2021 aux policiers des commissariats du 18e arrondissement de Yaoundé et de Bafia pour les mêmes raisons. 
 A l'évidence donc, l’interdiction de la torture est la manifestation la plus révélatrice de la volonté politique du Cameroun de s’arrimer à une dynamique universelle.  Qu’est-ce qui justifie donc la survie d...

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