« Nous assurons la surveillance permanente des multiples offres »

Pr. Jacques Fame Ndongo, ministre d’Etat, ministre de l’Enseignement supérieur.

Monsieur le ministre d’Etat, de quel œil le ministre de l’Enseignement supérieur regarde-t-il l’engouement autour de la mobilité des étudiants camerounais à l’étranger ?
Permettez-moi de commencer par vous indiquer que l’enseignement supérieur s’est massivement internationalisé ces dernières années. Tous les pays cherchent à capter un public d’étudiants étrangers (mobilité entrante), et à envoyer eux-mêmes leurs étudiants à l’étranger (mobilité sortante). Il s’agit désormais pour chaque pays de mieux préparer les étudiants à travailler dans un monde multiculturel et globalisé. C’est ainsi que le nombre d'étudiants internationaux a plus que triplé au cours des 20 dernières années, passant de 2,5 millions en 2002 à près de 8 millions aujourd’hui. Trois pays sont en tête des mobilités entrantes : les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni. Pour la mobilité sortante, environ deux étudiants sur trois sont originaires d’Asie-Océanie (39%) ou d’Europe (24%) ; 9% viennent des Amériques, 9% d’Afrique et 8% du Moyen-Orient. On constate donc que dans notre monde de plus en plus globalisé, la capacité de mobilité internationale des étudiants et des diplômés d’un pays, qu’elle soit académique ou professionnelle, est un important facteur de comparabilité et d’attractivité internationale de son système d’enseignement supérieur. Revenant à votre question, je vous dirais donc que l’un des objectifs poursuivis de manière permanente par l’adoption du système LMD est justement d’aligner la formation universitaire camerounaise aux standards internationaux, afin de garantir la comparabilité et l’attractivité internationale de notre système d’enseignement supérieur. A ce propos, je constate avec beaucoup de satisfaction que les universités camerounaises sont devenues une destination privilégiée pour les étudiants étrangers de la sous-région, ce qui dénote certainement de leur attractivité sous régionale. Au-delà de la sous-région, les universités camerounaises bénéficient d’une bonne crédibilité internationale. En effet, nos diplômés sont appréciés à travers le monde, y compris dans les pays les plus développés où ils exercent leurs différents métiers avec talent et dévouement. Celles et ceux qui se rendent hors du Cameroun pour poursuivre des études post-licence ou post-master sont également très appréciés et obtiennent, généralement, leurs diplômes à la grande satisfaction des examinateurs, grâce à leur brio et à leurs connaissances acquises dans les universités camerounaises. En définitive, mon avis sur ce que vous qualifiez d’engouement autour de la mobilité des étudiants camerounais à l’étranger est que, à l’aune de la mondialisation des connaissances et des compétences, les familles sont pleinement conscientes que nos universités, et notre système éducatif en général, confèrent une capacité élevée de mobilité académique et professionnelle aux étudiants et diplômés.  


Malgré les coûts élevés, de nombreuses familles choisissent d’envoyer leurs enfants à l’étranger. Cette situation ne vous interpelle-t-elle pas ?
Je vous surprendrai en vous disant que les pays qui envoient le plus leurs enfants à l’étranger pour les études universitaires sont des pays dont on ne peut pas dire que les études universitaires souffrent d’une quelconque crédibilité, sans évidemment dire que c’est le sous-entendu de votre question.  La Chine et l’Inde sont les principaux pays d'origine des étudiants internationaux, représentant une part importante des effectifs de mobilité étudiante à l'échelle mondiale. Dans le même temps, ces pays accueillent une masse importante d’étudiants étrangers. L’Europe est la deuxième région d’origine des étudiants en mobilité à l’étranger, tout en étant la première région d’accueil des étudiants étrangers. Plus de 300 000 étudiants américains étudient à l’étranger, alors même que les Etats-Unis sont le premier pays d’accueil des étudiants internationaux. On constate donc que dans le jeu d’internationalisation de l’enseignement supérieur, certains pays sont reconnus comme pays d’origine d’étudiants étrangers, d’autres comme pays d’accueil, d’autres encore jouant les deux rôles. Quant au Cameroun, il revêt un double statut. Il est en même temps un pays d’origine et un pays d’accueil des étudiants étrangers. Avec environ 30 000 étudiants à l’étranger, soit environ 6% de l’effectif d’enrôlement total national dans l’enseignement supérieur, le Cameroun fait partie des cinq premiers pays africains qui envoient le plus d’étudiants à l’étranger. Outre son statut du pays d’origine, le Cameroun reçoit beaucoup d’étudiants étrangers, notamment ceux de la sous-région CEMAC et au-delà. L’Université de Maroua accueille ainsi près de 10 000 étudiants étrangers provenant non seulement de la CEMAC, mais aussi d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique de l’Est.  Notre système d’enseignement supérieur est donc pleinement arrimé à la dynamique mondiale actuelle d’internationalisation de l’enseignement supérieur, et se positionne comme pôle régional d’accueil des étudiants étrangers et comme pays d’origine des étudiants et diplômés à fort potentiel de mobilité académique et professionnelle internationale.  


Le ministre de l’Enseignement supérieur a-t-il un contrôle sur les multiples offres de formation proposées par les universités étrangères aux jeunes Camerounais ?
Votre question me donne l’occasion d’indiquer que conformément à la loi n° 2023/007 portant orientation de l’enseignement supérieur au Cameroun du 25 juillet 2023, l’enseignement supérieur n’est pas libre dans notre pays. La fourniture des prestations universitaires sur le territoire national, en présentiel ou en ligne, par tout opérateur national ou étranger, est soumise à l’obligation de l’habilitation formelle du Ministre de l’Enseignement Supérieur. Concernant plus spécifiquement les diplômes étrangers, la loi précise que « seuls les diplômes étrangers formellement reconnus comme diplômes d’enseignement supérieur dans leurs pays d’origine peuvent être délocalisés en présentiel ou à distance au Cameroun » (article 75, alinéa 2). A travers cette loi, notre pays s’est donné les moyens de protéger l’espace national d’enseignement supérieur des effets néfastes du phénomène de l’enseignement supérieur transnational privé douteux à but lucratif, qui est en essor vertigineux à travers le monde, sous l’impulsion du développement de l’enseignement à distance en ligne. L’inspection générale des Affaires académiques du MINESUP assure la surveillance permanente des multiples offres de programmes et de diplômes étrangers proposés en présentiel ou en ligne sur le territoire national. Mais, il s’agit d’un véritable défi et une œuvre titanesque non seulement pour notre pays, mais pour tous les pays du monde. En effet, l’ingéniosité malicieuse et dolosive des opérateurs de l’enseignement supérieur transnational privé à but lucratif met à rude épreuve la vigilance des Etats face à la montée en puissance d’un véritable écosystème international de « fake universities », qui ne sont en réalité que de véritables moulins à diplômes.  Notre pays n’échappe malheureusement pas à cette triste réalité aujourd’hui planétaire. Chaque étudiant est donc invité à ne s’inscrire que dans des formations dûment habilitées par le MINESUP. La décision de s’inscrire dans une formation doit être prise après consultation et vérification effective des actes officiels d’habilitation délivrés exclusivement par le ministre de l’Enseignement supérieur, que les institutions sont tenues de mettre à la disposition des étudiants au moment de l’inscription. Pour les programmes étrangers, au-delà des actes d’habilitation du MINESUP, il est important de s’assurer soi-même du statut du programme de formation et du diplôme dans son pays d’origine. A toutes fins utiles, concernant spécifiquement la France, il est important de savoir que seuls les « diplômes nationaux » et les « dipl&ocir...

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