« L’accès à l’eau et à l’électricité est un véritable levier de développement »
- Par Lucien BODO
- 13 août 2025 10:52
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Dr René Yatcho Nyaben, économiste du développement.
Au cours des sept dernières années, le Cameroun a lancé ou bouclé plusieurs projets pour améliorer l’accès à l’électricité et à l’eau potable. Comment analysez-vous les résultats obtenus dans ces deux secteurs dans le cadre du septennat qui s’achève ?
Entre 2018 et 2025, le Cameroun a accompli des progrès notables dans l'amélioration de l'accès à l'électricité et à l'eau potable. Le taux d'électrification national est passé de 60 % à 70 %, grâce à des projets majeurs comme le barrage hydroélectrique de Nachtigal et le développement de centrales solaires. De même, l'accès à l'eau potable a progressé de 58 % à 65 %, soutenu par l'extension des réseaux et la modernisation de l'usine d'Akomnyada. Malgré ces avancées, des défis importants persistent. Le pays fait face à des pénuries récurrentes dans les grandes villes, des coûts élevés pour les consommateurs et des disparités flagrantes entre les zones urbaines et rurales. De plus, la qualité de l'eau reste une préoccupation, avec moins de la moitié des usagers ayant accès à une eau conforme aux normes de l'OMS. En somme, si les efforts du Cameroun ont produit des résultats tangibles, ils restent mitigés, fragiles et inégaux, ne garantissant pas encore un accès universel et fiable pour tous.
Avec les investissements consentis par les pouvoirs publics, qu’est-ce qui pourrait expliquer le gap qui reste à combler ?
Les investissements importants réalisés dans les secteurs de l'eau et de l'électricité au Cameroun ne se traduisent pas toujours par une satisfaction adéquate des populations. Cet écart s'explique par plusieurs facteurs structurels interdépendants. Tout d'abord, une déconnexion entre l'offre et la demande est observable. La croissance démographique rapide n'a pas été pleinement intégrée dans la planification des projets, ce qui a creusé l'écart entre les capacités de production et les besoins réels des consommateurs. Ensuite, des inefficacités opérationnelles au sein des entreprises de souveraineté aggravent la situation.
De plus, le modèle de financement et de tarification actuel est problématique. Il est difficile de trouver un équilibre entre la nécessité de fixer des tarifs qui couvrent les coûts de production et celle de maintenir des prix accessibles pour les populations. Cette contrainte financière limite la capacité des opérateurs à investir dans l'amélioration et l'extension des infrastructures. Par ailleurs, les défis externes tels que les impacts du changement climatique (sécheresse) et les crises sécuritaires (Boko Haram, crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest) perturbent l'approvisionnement et la mise en œuvre des travaux. Enfin, le manque de coordination entre les acteurs publics et privés, caractérisé par des lenteurs bureaucratiques et des conflits de compétences, freine l'avancement des projets.
Dans un pays comme le nôtre, comment s’établit le lien entre développement et accès à l’électricité et à l’eau potable ?
Le développement ne se résume pas à l'accumulation de richesses. C'est un processus complexe qui vise le bien-être des populations. Dans cette perspective, l'accès à l'eau et à l'électricité est essentiel. Ces services ne sont pas de simples commodités, mais de véritables leviers de productivité économique, de progrès social et d'équilibre territorial. Une politique de développement stratégique repose sur la création de « pôles de croissance », des zones dynamiques capables d'entraîner le développement du reste du pays. Cependant, sans un accès fiable à l'eau et à l'électricité, ces pôles ne peuvent émerger. L'industrie, l'agriculture et les services ne peuvent se développer, ce qui mène à une fragmentation du territoire et à l'aggravation des inégalités spatiales. En priorisant l'eau et l'électricité, le Cameroun pourrait bâtir les fondations d'un développement équilibré et humain, et non pas d'une croissance économique éphémère. Conscient de cet enjeu, l'Etat joue un double rôle de régulateur et d'investisseur. Il subventionne l'accès aux services, planifie des infrastructures, encadre les partenariats public-privé et soutient les pôles économiques pour réduire les fractures sociales e...
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