« L’Etat doit agir comme un game-changer »

Oyie Ndong, expert en développement de projets économiques et industriels.

Quels seraient les filières à booster pour un réel décollage de l’industrie camerounaise à l’aune de ce nouveau septennat ?
Il convient de rappeler d’emblée que notre secteur industriel reste en friche (ou en gestation primaire) dans certaines filières. À l'exemple de la pêche (alors que le potentiel halieutique de la zone Atlantique-est est l’un des plus riches du monde et est très accessible) ; de l'agriculture et de l’élevage intensifs des produits à forte valeur ajoutée et aux avantages comparatifs favorables comme l'arachide, le poivre, etc. ; la menuiserie et l'ébénisterie de haute qualité ; la production de spiritueux et autres boissons alcooliques ou non, avec des arômes atypiques. Tous ces produits feraient en plus l'objet d'une labellisation « Indication géographique protégée » (IGP) qui décuple les prix et sécurise les systèmes commerciaux respectifs. C’est un facteur d'optimisation de la valeur ajoutée, hormis l’opportunité d'import-substitution et d’exportation, pour ne prendre que de telles activités, dont les projets ont déjà été maturés par des acteurs locaux. Toutefois, il y a des besoins transversaux à l’industrie, où une participation intelligente de l'État agirait comme un game-changer vital.


Lesquels ?
D’abord, le transfert des technologies (facteurs de production) et des compétences induites (savoirs et savoir-faire). Car ces facteurs de production hautement sensibles et coûteux, faisant partie de domaines stratégiques, sont protégés et contrôlés par les politiques des pays d'origine de leurs détenteurs. La diplomatie camerounaise, à travers ses consulats et ambassades, peut jouer un rôle cardinal d'assurance et de facilitation auprès des parties prenantes, surtout politiques. Ensuite, la définition de cadres ou plateformes de coopérations technique, diplomatique, académique, économique (financière et commerciale), sécuritaire, juridique et organisationnelle crédibles et sûres que seuls des États peuvent générer, garantir et développer de façon efficace et durable. A cela on peut ajouter : l’appui pour la création, la validation, le contrôle et la simplification des mécanismes normatifs des exportations et de la protection de la production locale ; l’accompagnement financier et commercial ; l’adoption effective et la mise en application scrupuleuse des méthodes du nouveau management public, prescrites dans le Programme national de gouvernance depuis 2001, afin que l'administration camerounaise ne soit plus un handicap pour le secteur privé (et même du public et du parapublic eux-mêmes) dans sa dynamique économique déjà éprouvante. Mais plutôt un catalyseur multidimensionnel de la viabilité, de la productivité et des rentabilités financière et économique des industries nationales. Quelques effets immédiats seraient : une fluidité de l'information, une atomicité fonctionnelle de l'administration, une transparence opérationnelle, une simplification des procédures, etc.


D’autres pistes dans ce sens ?
Oui. Comme l’opérationnalisation, l’assainissement et l’harmonisation des mesures législatives et réglementaires antérieures, dont la dispersion et l'incohérence créent un capharnaüm managérial national. La loi sur les zones économiques par exemple, n'arrive pas à être valorisée, alors que c'est une opportunité pour les industries, qui sont gourmandes en consommations intermédiaires et en valeur ajoutée, et sont sensibles aux variations de toute nature comme les réformes fiscales, de lois ou toute autre action extérieure qui leur serait désavantageuse ou aux effets ex-post incertains. On peut aussi suggérer une réforme de la fiscalité, pour la rendre plus intelligente, plus adaptative (donc plus équitable et plus intégrative), et moins strangulatoire. C'est l'esprit qu'on retrouve justement préconisé dans la loi sur l’établissement des zones économiques. Par exemple, le principe de calcul de la dotation aux amortissements est obsolète. Au lieu d'être linéaire, la DGI pourrait commencer à intégrer la tendance géométrique, pour permettre aux industries de mieux gérer les renouvellements de leurs systèmes de production. Ensuite, la DGI devrait intégrer la dotation aux dépréciations, car les progrès technologiques sont fulgurants et ...

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