Révélations du rapport Cameroun-France : et maintenant ?

Une équipe de chercheurs estime que Paris a « probablement tué plusieurs dizaines de milliers de Camerounais » entre 1945 et 1971. Les ayants droit se demandent quelle suite donner à ce constat.


Grâce à la synthèse conclusive du volet « recherche » de la Commission mixte Cameroun-France sur le rôle et l’engagement de la France dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d’opposition au Cameroun, de 1945 à 1971, les Camerounais en savent un peu plus sur ce qui s’est passé pendant cette période triste de leur histoire. Le rapport scientifique complet est consultable sur le site Internet Vie publique (République française) et téléchargeable en libre accès. C’est un volumineux document de plus de 1000 pages dont une copie a été officiellement remise au président de la République, Paul Biya, avant-hier à Yaoundé, une semaine après sa réception par son homologue français, Emmanuel Macron.
Pour établir le rôle et la responsabilité de la France dans les événements malheureux survenus durant ces 26 années, une équipe de 14 chercheurs, dont sept Français et autant de Camerounais a travaillé pendant 20 mois. Après avoir accédé à plus de 2 300 documents déclassifiés par le gouvernement français et fouillé dans des archives, non seulement en France, au Cameroun et aux Nations unies à New York, mais également dans des pays comme la Suisse et la Grande-Bretagne, les chercheurs qui n’ont pas fait l’économie d’enquêtes de terrain au cours desquelles des témoignages de première main ont été recueillis, révélant des faits dont certains étaient déjà connus grâce aux travaux antérieurs et d’autres beaucoup moins ou pas du tout.
Le Rapport dévoile une histoire globale d’une guerre de décolonisation encore trop méconnue. Suivant un fil chronologique, ses quatre sections permettent de retracer la genèse de l’affrontement entre les autorités coloniales et les oppositions indépendantistes à travers le prisme du temps long de la situation coloniale (1945-1955), puis le glissement de la répression politique, diplomatique, policière, militaire et judiciaire vers la guerre menée par l’armée française (1955-1960), dont l’action s’est poursuivie malgré la transition politique et l’indépendance du Cameroun (1960-1965), et même au-delà, l’aide française s’étant maintenue dans le cadre de la coopération entre les deux pays (1965-1971). En outre, les conclusions confirment une vérité historique, à savoir que le Cameroun n’a jamais été une colonie française.
En réalité, c’est du fait du grand potentiel économique et stratégique du Cameroun que la France manifeste sa volonté de l’administrer comme elle le fait dans ses colonies stricto sensu. Raison pour laquelle, selon le document, elle avait « exercé une pression diplomatique auprès des Alliés pour obtenir la création des mandats de la SDN satisfaisant ses ambitions territoriales et politiques ». Celles-ci sont plus tard à l’origine des dérives qui seront relevées car la France se bat pour « y préserver sa domination jusqu’à la fin de la période coloniale - et son influence bien au-delà ».         
La section 1 du rapport étudie les premières stratégies de lutte déployées par les autorités françaises contre les forces émancipatrices au Cameroun de 1916 à 1955, en particulier à partir de la Seconde guerre mondiale, lorsque le mouvement indépendantiste s’affirme. Car on note un dynamisme politique des Camerounais (es) après 1944, que ce soit par le biais de la création de syndicats, d’associations ou de mouvements qui réclament désormais l’indépendance et la réunification avec la partie sous tutelle britannique. La section 2 met l’accent sur la répression politique, administrative, judiciaire, militaire, diplomatique et médiatique qui s&rsquo...

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