« Promouvoir les produits de substitution »

Pr. Désiré Avom, agrégé des Facultés des sciences économiques, doyen de la Faculté des sciences économiques et de gestion de l'Université de Yaoundé II-Soa.

On assiste depuis un moment à une accélération des tensions inflationnistes qui ont atteint des niveaux jamais observés depuis 2008, avec notamment une moyenne que la Banque des Etats de l’Afrique centrale situe à 3,8% en 2022. Que faire pour lutter contre ce phénomène systémique ?    
Pour lutter efficacement contre l’inflation, il faut agir sur le court terme et surtout se projeter urgemment sur un horizon plus long en orientant les politiques économiques pour adresser durablement et efficacement nos défis structurels. A court terme, il s’agit de protéger les populations les plus vulnérables par des politiques dites pro-pauvres. Elles visent, pour l’essentiel, à faciliter leur accès aux produits de première nécessité, tout en contrôlant les augmentations abusives de prix par certains opérateurs économiques qui profitent de la conjoncture actuelle pour se faire des marges supplémentaires et anormales de bénéfice.
A long terme, il faut consolider les acquis et éviter de reporter sine die les réformes structurelles, certes douloureuses et difficiles dans un contexte où les choix et les arbitrages sont extrêmement contraints par l’insuffisance des ressources, l’occurrence des chocs exogènes et la multiplication des sollicitations. Ces réformes sont pourtant fondamentales pour muscler notre capacité productive, diversifier notre offre de biens et services et limiter ainsi notre dépendance vis-à-vis de certains produits stratégiques et de première nécessité importés. Dans ces choix délicats de priorité, une dimension essentielle, qui reste trop souvent l’angle mort de la discussion budgétaire et de la pratique, est la qualité des dépenses publiques. Les études disponibles montrent que les dépenses d’avenir portant principalement sur l’éducation, la santé, la recherche et le développement, les infrastructures, etc. ont un bien meilleur effet multiplicateur sur la croissance à terme, contrairement aux dépenses courantes de fonctionnement, qui alimentent la corruption et favorisent les comportements de survie et de capture de rente.
Des transformations à réussir, deux me semblent urgentes et dictées par la conjoncture. La première est celle de notre agriculture telle que souhaitée par le président de la République Paul Biya. Elle est possible au regard des atouts naturels et de notre position géostratégique qui nous donne les possibilités de profiter des économies que nous offrent le marché sous-régional et surtout le Nigeria voisin. La subvention de 10 milliards de F accordée par le chef de l’Etat à l’IRAD pour renforcer les recherches et moderniser l’appareil productif national participe de la réalisation de cette ambition. La deuxième est relative à la modernisation de nos infrastructures avec un accent particulier sur l’énergie et le développement des technologies numériques. Réussir ces transformations nécessite un capital humain de qualité adapté et des investissements massifs, dont l’ampleur des financements nécessaires appelle une mutualisation des sources publiques et privées, aussi bien nationales qu’internationales.
Les ménages à faibles revenus sont les principales victimes de la baisse du pouvoir d’achat de la monnaie à travers le monde. Que faire pour que la situation ne dérape pas comme ce fut le cas en 2008 ?
L’inflation telle une taxe frappe toujours le consommateur final, les ménages à faibles revenus étant les plus exposés. Pour faire face à cette situation et sans prétendre à l’exhaustivité, deux actions urgentes de mon point de vue peuvent être menées. Premièrement, amplifier les contrôles pour limiter le rationnement sévère et surtout éviter la constitution de stocks spéculatifs, afin de s’assurer d’une offre suffisante, puis promouvoir autant que possible les produits de substitution en encourageant la consommation de la production locale. Ce second volet de la proposition nourrit la stratégie d’import-substitution adoptée par la Cameroun depuis l’anné...

Reactions

Commentaires

    List is empty.

Laissez un Commentaire

De la meme catégorie