Paul Biya, mendiant de la paix, éclaireur de notre temps

Dans un contexte où les présidents africains, frontalement ou insidieusement, revendiquent la souveraineté économique et le libre choix de leurs partenaires stratégiques, épaulés de surcroît par une société civile offensive, mobile, organisée et très audible, il était opportun, voire judicieux pour le président français de célébrer de manière fort spéciale, le 80e anniversaire du Débarquement en Provence le 15 août dernier, de rendre un hommage appuyé à « l’Armée d’Afrique », connue sous le nom de « tirailleurs sénégalais », et d’assumer ce qu’il appelle « la part d’Afrique en France ».
En choisissant par ailleurs de convier son homologue camerounais, Paul Biya, à cet événement historique, comme porte-voix de ses pairs africains, le président français fait un double pari : d’une part, frapper les imaginaires français, souvent indifférents ou sceptiques, mais davantage encore les Africains, par cet acte solennel de reconnaissance, longtemps attendu par les anciens combattants, leurs héritiers et les opinions publiques du continent. 
D’autre part, la parole de Paul Biya, du haut de son expérience, de sa stature de sage, de sa réserve, de sa différence même, lisible dans son jeu diplomatique tout en finesse, de son amour de l’Afrique – assimilable au panafricanisme des pères fondateurs - cette parole, dis-je, déclamée à Paris, ne laisse personne indifférent sur le continent : Pourquoi nous parle-t-il de Paris ? Que nous dit-il de nous, de la France, du passé et de l’avenir ? Ces interrogations et bien d’autres foisonnent encore dans les esprits, les cercles de réflexion, et les médias. Remettant au goût du jour, la relation France-Afrique.
Certes il ne fait aucun doute qu’au niveau politique, la reconnaissance affichée à Paris de l’apport de l’Afrique à la libération de la France occupée n’est pas une feinte. Cette reconnaissance doit néanmoins conduire à l’étape de la réhabilitation historique, globale et individuelle de ces soldats qui ont traversé les océans pour aller combattre pour une « patrie » qu’ils ne connaissaient même pas. Leur acte d’humanité appelle un traitement plus humain et plus juste des droits qui sont les leurs.
Ce n’est pas autre chose que le président camerounais a défendu : le devoir de fraternité, en rappelant que sans eux, et sans tous les autres appelés d’ici et d’ailleurs, il n’y aurait pas eu de victoire alliée digne de ce nom. Cette prise de position n’empêchera pas les arguties de ceux qui continuent à entretenir l’idée d’une Afrique entièrement à part, foyer d’une pauvreté incurable, qui n’aurait pas le droit de siéger aux côtés des « grandes nations » comme alliée d’une belle victoire sur le nazisme. Un grand média français a d’ailleurs titré : « Célébration tronquée ».
Le mérite de Paul Biya, c’est de proposer la seule lecture acceptable, crédible et juste : des frères d’armes en 1944 sont par la force des choses des frères tout court en 2024, appelés à réfléchir solidairement à la manière de construire la paix, en tirant les leçons d’une guerre du passé. Pourtant, cette fraternité et cette solidarité ne sont envisageables que si les frères d’armes d’hier se reconnaissent en vérité un droit égal à la dignité ; si du haut de sa culture, de sa religion, ou de sa civilisation, l’un ne regarde pas l’autre avec condescendance et mépris. On s’en souvient, c’est la conscience erronée que certaines races étaient supérieures et devaient « civiliser » les autres qui a accouché du colonialisme. Le fameux « fardeau de l’homme blanc ».
En définitive, que faut-il retenir ?
La première leçon magistrale du président camerounais est celle-ci : le respect mutuel, un droit égal à la dignité, et la prise en compte des intérêts des autres peuples créent les conditions de la paix.
Seconde leçon : Puisque la guerre n’est plus une simple menace ni une éventualité, mais qu’elle tonne d&eacu...

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