Fondation André Marie Tala : sur les fonts baptismaux
- Par Jean Francis
- 27 août 2024 11:12
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Le célèbre musicien a reçu vendredi dernier, des mains du ministre de l’Administration territoriale, l’agrément y relatif.
« Soutenir les personnes à mobilité réduite et dans le besoin, en utilisant sa passion pour la musique afin de promouvoir l’inclusion, l’autonomie et l’égalité des chances ». C’est l’objectif visé par la Fondation André Marie Tala. Le célèbre artiste-musicien, qui fête ses 55 ans de carrière, a reçu l’agrément au statut d’organisation non gouvernementale (Ong) vendredi dernier au cours d’une brève cérémonie présidée par le ministre de l’Administration territoriale, Atanga Nji Paul.
« Pendant longtemps, j’ai pensé que malgré les difficultés que l’on peut avoir soi-même, on a en dessous, d’autres personnes qui ont énormément de problèmes. Et à travers cette Fondation, je pourrais solliciter l’Etat, d’autres structures lors de mes voyages pour aider les plus démunis », a-t-il fait savoir. Mais l’auteur du célèbre tube à succès « Je vais à Yaoundé… », n’entend pas s’arrêter là. « J’ai par exemple envie, à travers cette Ong, trouver des machines pour détecter le faux miel que certains Camerounais de mauvaise foi vendent en y ajoutant du sucre, de la banane. On a également découvert au Cameroun que des personnes mettent du formol sur des fruits pour maintenir la fraicheur, ce qui n’est pas normal. J’entends lutter contre cela », a-t-il ajouté.
55 ans de carrière, comment André Marie Tala regarde-t-il ce parcours ?
J’ai du mal à me prononcer. Mais je suis sûr d’une chose, c’est d’avoir travaillé de manière assidue. Je suis un amoureux du travail bien fait, un perfectionniste. Que ce soit sur les thématiques, l’instrument, l’exécution des chansons, les arrangements, je me suis impliqué dignement depuis que je vis de la musique, c’est-à-dire depuis 55 ans. Je n’ai pas eu de complexe vis-à-vis de la musique venue d’ailleurs, qu’elle soit européenne ou américaine.
Vous vous souvenez certainement encore de votre première chanson, de votre premier album ?
Bien sûr ! La toute première chanson composée sans magnétophone, c’est : « J’ai faim ». Mon premier disque long play, comme cela était appelé à l’époque, c’est « Hot Koki » qui a fait couler beaucoup d’encre.
Et pourquoi ?
Bien parce que James Brown, le grand artiste noir américain qui prétendait défendre les Noirs, est venu au Cameroun en mai 1975. Je suis allé à son hôtel, qui s’appelait « Hôtel Le Cocotier », qui par la suite est devenu le « Méridien ». J’ai remis un exemplaire de ce 33 tours, qui était donc le tout premier pour moi à son hôtel. Quelques mois plus tard, j’ai rencontré la personne qui nous servait d’interprète. Elle m’a dit : « Le grand a interprété ta chanson ». Je lui demande laquelle et il me dit : « Hot koki et il m’a envoyé quelques exemplaires ». Je n’en revenais pas et je lui demande s’il est sûr de ce qu’il dit, et il me le confirme. J’ai demandé s’il pouvait m’en fournir un. Ce qu’il a fait. Je suis allé à Paris où j’ai saisi mon éditeur. Dans un premier temps, la SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, NDLR) a fonctionné comme les grandes banques, c’est-à-dire en protégeant les gros clients. Ils m’ont dit que les similitudes musicales n’étaient pas suffisantes. J’ai démontré avec mon éditeur que c’était un flagrant délit et que c’était mon œuvre. Il avait pris la même introduction, le même refrain et joué tout cela sur la même gamme : le « la mineur ». Il a juste adapté les paroles en anglais. À partir de ce moment, ils ont juste changé lorsqu’ils ont vu que j’insistais et que je ne racontais pas des histoires. Ils ont reconnu leur tort. Nous sommes allés aux États-Unis. James Brown était au top de son art. Avec ses avocats, il a fait trainer le procès. Mais après une procédure qui a duré quatre années, j’ai gagné et ils m’ont permis d’avoir tous les droits sur « Hot Koki ». Malheureusement, ce n’était pas comme aujourd’hui où j’aurais gagné beaucoup d’argent. Mais la victoire morale m’a comblée, puisque je suis allé au Sénégal en décembre 1975 dans une délégation qui représentait l’équipe culturelle du Cameroun pendant la Semaine camerounaise à Dakar. Lorsque je racontais que mon œuvre a été plagiée par James Brown, vous pouvez imaginer les regards et même parfois les rires moqueurs. D’autant plus que j’étais très jeune. Je tiens à dire que je suis le premier artiste africain qui a été plagié par un artiste occidental de renom. Même si je n’ai pas gagné beaucoup d’argent. Après nous avons eu Manu Dibango avec Soul Makossa, les Golden Sounds avec leur titre « Zangalewa » repris par Shakira.
« Je vais à Yaoundé, Yaoundé la capitale… » Des souvenirs ? Vous êtes à Yaoundé aujourd’hui…
Je suis très actif, même si je ne suis pas très présent dans les médias. Partout, on me demande de recommencer cette chanson, de la réinterpréter. La demande ne vient pas seulement des Camerounais. Cela arrive lorsque je me retrouve à Ouagadougou, à Abidjan, à Londres, à Washington, l’on en redemande. Je vais vous raconter une anecdote à ce sujet. Je suis allé dîner avec un ami chez son ami. L’enfant de notre hôte tenait à rester à côté de moi et je ne comprenais pas. Je le trouvais même assez culotté. Après, il a dit : faites-moi la photo avec lui ; et ses parents étaient surpris. Pour lui, la photo devait servir d’alibi auprès de ses camarades qui n’allaient pas le croire s’il le leur racontait simplement avoir été en contact avec moi. Après la photo, il est allé chercher un cahier dans lequel il avait le texte de cette chanson et il m’a dit : « je vous connais, voici le texte de la chanson : je vais à Yaoundé. » J’étais surpris. Permettez-moi de profiter des colonnes de Cameroon Tribune pour dire que l’ancien président français François Mitterrand m’a cité dans son discours à l’hôtel de ville de Yaoundé le 21 juin 1983, lors de sa visite au Cameroun. Il a dit : votre poète André Marie Tala a raison de chanter votre belle capitale. L’une des dernières anecdotes, c’est que les extraits de cette chanson figurent dans un des livres des éditions Foucher en France.
La demande est forte. Pourquoi ne pas reprendre ce titre ?
Il n’est pas tard. Mais c’est peut-être facile de le dire. Si les Camerounais cessent de pirater, on peut reprendre. J’ai même une idée d’une version que je peux reprendre. Je ne peux malheureusement pas vous en dire plus pour le moment. Mais rassurez-vous, je suis prêt à reprendre ce titre dès lors que les conditions seront réunies.
Vos thématiques ont parfois porté sur l’unité nationale, le vivre-ensemble, le progrès du Cameroun. Etes-vous prêt à les refaire ?
Je n’ai fait que cela toute ma vie. J’ai chanté « Donnons-nous la main » que certaines personnes hors du Cameroun reprennent. J’ai chanté « Bogne » en ghomala qui veut dire la haine. C’était au début des années 1980. C’était pour dénoncer le tribalisme qui gangrenait la société. Pour moi, le tribalisme est comme le sida qui menace de nombreux pays, parmi lesquels le nôtre. Dans cette chanson, je dis : toi, tu dis que celui-ci est ewondo. Est-ce que ce n’est pas ton frère. Tu dis que celui-ci est bamiléké, douala, bassa… Je chantais pour condamner et amener les gens à comprendre que nous sommes des frères. Et qu’une lutte entre nous ne peut servir que nos ennemis. Ensemble, nous pouvons faire beaucoup de choses. J’ai aussi chanté en français : Vivre-ensemble. Le refrain de cette chanson, « C’est nous sommes condamnés à vivre ensemble ». Je suis le tout premier à chanter de façon moderne en Bamoun : Ondoya. » Les Camerounais savaient que lorsque l’on affectait quelqu’un dans la partie septentrionale, cela avait valeur d’une sanction disciplinaire. Je ne sais pas ce que c’est devenu aujourd’hui. J’ai donc chanté « Okamchédé ». Je me souviens que lorsque j’allais au cinéma Le Ribadou, c’est tout Garoua qui sortait. J’ai chanté avec Coco Argenté. Cette chanson avait beaucoup de significations. Je me rappelle qu’elle m’avait approché avec son manager Tanko Dimenko et ils m’ont demandé si je pouvais la soutenir sur un titre. J’ai volontairement accepté. Nous avons chanté du bikutsi qui avait une triple signification : d’abord, il y avait un rapprochement de deux générations. Ensuite, il y avait le rapprochement de deux rythmes du Cameroun, à savoir le bikutsi et le bend-skin. Enfin, on avait le rapprochement de deux régions : le Sud et l’Ouest. L’unité de mon pays a toujours été au cœur de mes préoccupations. Je vais même au-delà de mon pays. Unis, nous pouvons mieux nous battre pour le développement de notre pays, de nos matières premières. Personnellement, j’ai du mal à acheter un sachet de café et puis on me dit qu’il vient de tel pays africain. Ça ne veut pas dire que je n’aime pas ce pays, parce que nous ne pouvons pas vivre en autarcie. Mais nous devons consommer nos produits, puisque nous en avons de bons. Si je prends le cas du miel du Mont Oku qui est très rare, parce que blanc. Nous devons consommer le haricot de Bandjoun qui est malheureusement cultivé pour l’exportation. On devrait apprécier le poivre de Penja ou le café 70/30 qui est un café typiquement camerounais. Il faut pour cela savoir que le café arabica est très prisé dans le monde, parce qu’il ne vous fait pas avoir des palpitations comme le robusta. Je plaide, en ce qui concerne notre bois, que les meilleurs designers soient came...
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