Énergie électrique : le paradoxe qui interroge

Le 25 mars dernier, la Nachtigal Hydro Power Company (NHPC), société créée en 2016 pour concevoir, financer, construire et exploiter l’aménagement hydroélectrique de Nachtigal, a annoncé la disponibilité, depuis le 18 mars 2025, de 60 mégawatts (Mw) supplémentaires sur le Réseau interconnecté sud (Ris) qui couvre les sept régions méridionales du Cameroun. Ce qui porte désormais à 420 Mw la puissance installée de ce barrage hydroélectrique. La mise en service de ce 7e groupe marque ainsi l’achèvement des travaux de construction du projet Nachtigal et le début de son exploitation par NHPC pour les 35 années à venir. Seulement, il y a un problème. En effet, la montée en puissance du barrage de Nachtigal capable de couvrir près de 30% des besoins énergétiques du Cameroun coïncide paradoxalement avec l’intensification des délestages depuis plusieurs semaines. Et, du coup, les observateurs se demandent pourquoi nos villes et villages du Ris continuent de subir des coupures prolongées de l’énergie électrique pouvant durer de plusieurs heures à plusieurs jours, alors que le barrage de Nachtigal, le plus grand du pays, qui était présenté comme une panacée, est déjà en pleine capacité de production de ses 420 Mw ? En d’autres termes, pourquoi n’est-on pas sorti de l’auberge avec une offre énergétique accrue ? Assurément, les désagréments causés aux ménages, aux administrations et aux industriels par les coupures intempestives d’électricité s’expliquent par des problèmes conjoncturels connus mais pas toujours entièrement résolus, mais aussi par des facteurs structurels que les responsables pilotant le système électrique au Cameroun devraient intégrer dans une approche holistique et rationnelle de gestion de ce secteur stratégique. Et c’est parce qu’il y a des manquements graves dans la gouvernance globale du système que ce qui est perçu comme une avancée est rapidement mis entre parenthèses par d’autres types de difficultés interrompant la fourniture de l’énergie comme la vétusté de plusieurs segments du réseau de transport, des transformateurs surchargés, le remplacement des poteaux en bois par ceux en béton, etc. 
Le 26 mars dernier, dans un avis à ses clients, l’entreprise Eneo chargée, entre autres, de la distribution annonçait des incidents sur des ouvrages majeurs de production du système électrique dans le Ris, avec impact sur le service de distribution dans les villes et localités desservies dans les régions du Centre, Sud, Littoral, Ouest, Sud-Ouest, Nord-Ouest et Est. Sans citer les ouvrages concernés, l’entreprise indiquait que cette situation induisait un déficit conséquent de la production et par conséquent, le déséquilibre actuel (à la date de publication de l’avis) entre l’offre et la demande. En attendant que les équipes spécialisées d’Eneo et de NHPC remettent en service ces ouvrages et restaurent une situation normale de production, ajoutait l’annonce, Eneo faisait savoir que dans l’attente, des rationnements (d’une durée de 4 à 6 heures) pouvaient intervenir pour préserver l’ensemble du système d’un effondrement.
En outre, il ressort d’une analyse d’un ingénieur tentant d’expliquer les causes des coupures qui perdurent en dépit des 420 Mw de Nachtigal, « qu’on est revenu autour de 320 Mw du fait de l’insuffisance de l’eau qui fait baisser le débit dans le bassin versant de la Sanaga dont dépendent trois ouvrages de production, à savoir Nachtigal, Song-Loulou et Edéa », en plus des « pannes sur des postes haute tension et moyenne tension et des travaux pas encore réalisés pour acheminer toute la puissance de Nachtigal à Douala ». Bien plus, dans une correspondance dont CT a eu copie, on apprend que « l’étiage 2025 sur le bassin de la Sanaga a débuté le 25 novembre 2024 avec un volume cumulé de 11 303 hectomètres cubes, soit un taux de remplissage de 81% représentant ainsi le volume le plus faible des huit dernières années ». La missive note par ailleurs que « depuis le début de l’étiage, la tendance hydrologique du bassin versant intermédiaire est très sèche, de moins de 5% similaire à l’étiage 2023 ». Par bassin versant intermédiaire, il faut comprendre le débit naturel du fleuve Sanaga sans l’apport des barrages-réservoirs. Cependant, malgré un bassin versant intermédiaire plutôt sec, l’entreprise qui gère les retenues d’eau souligne que depuis le 20 janvier 2025, elle garantit « à Nachtigal un débit-cible supérieur à 800 mètres cubes /seconde, pour une puissance garantie de 340 à 360 Mw ». Toutes les études de conception de l’aménagement hydroélectrique de Nachtigal montrant qu’en situation de remplissage normal, le débit-cible est seulement de 650 mètres cubes/seconde, on peut estimer que la gestion des retenues est plutôt satisfaisante, indique-t-on.  
En plus des soucis liés à l’insuffisance de...

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