Baptême des édifices et lieux publics : l’empreinte des héros
- Par Gregoire DJARMAILA
- 05 mai 2025 12:59
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Qu'importe la petite polémique qui a agité certains médias et les réseaux sociaux. Le nouvel immeuble-siège de l’Assemblée nationale s'appellera désormais, « Palais de verre Paul Biya ». Cette initiative fort louable a surtout eu le mérite de braquer les projecteurs sur une nécessité impérieuse : celle de nommer, enfin, nos édifices publics à l'aune de notre propre histoire. L'initiative du « Palais de verre Paul Biya » s’inscrit dans un continuum. Quelques semaines avant, le nouveau joyau architectural de l'hémicycle, don sans contrepartie de la République populaire de Chine, s’était enrichi des noms des figures de notre histoire parlementaire, de Cavaye Yeguie Djibril à Solomon Tandeng Muna, en passant par Marcel Marigoh Mboua et Jean Bernard Ndongo Essomba. Des patronymes qui résonnent avec l'écho des débats passionnés et des lois qui ont marqué l’histoire du Cameroun. Et, plus loin, à Ngaoundéré, un vent d'audace a soufflé sur le campus universitaire. Le recteur visionnaire a entrepris une véritable cure de jouvence onomastique, rebaptisant amphithéâtres et bâtiments aux couleurs locales, honorant des personnalités marquantes de l'Adamaoua et du Cameroun. Il faut aussi saluer l'esprit novateur de ceux qui, à une époque donnée, ont eu la perspicacité de conférer à nos établissements hôteliers des appellations d'une résonance profondément ancrée dans notre terroir. Sawa, Bénoué, Mont Fébé, Mizao, Mansa, Ayaba, Mountain… Autant de désignations qui rappellent avec éloquence les sonorités singulières de notre patrimoine linguistique et culturel. Cette démarche audacieuse témoigne d'une volonté louable de doter ces lieux d'une identité distinctive et authentique, offrant ainsi aux visiteurs une subtile immersion dans l'âme de notre nation.
Mais, ces initiatives, louables soient-elles, butent sur l'inertie et la persistance d'habitudes tenaces. Pis, des lieux importants demeurent désespérément anonymes, portant des noms génériques, froids, dénués de toute résonance locale. Notre « Place de l'Indépendance » notre « Palais des Congrès », notre « Palais polyvalent des Sports » ou notre « Musée national » se dressent majestueusement sans âme, attendant un nom qui les arrime à notre histoire, à nos héros, à nos figures emblématiques. Nos universités, creusets du savoir et de l'émergence des élites, restent obstinément muettes quant à la contribution inestimable de nos propres intellectuels. Où sont les universités portant les noms des Melone, de Mbassi Manga, de Gottlieb Monekosso, de Bernard Fonlon, Eldridge Mohammadou, Joseph Tchundjang Pouemi, de Marcien Towa, de Henri Ngoa, de Georges Ngango, de Victor Anomah Ngu ou de Roger Gabriel Nlep ? Ces esprits brillants qui ont défriché les sentiers du savoir camerounais méritent mieux que l'oubli. Nos aéroports, ces portes d'entrée et de sortie de notre pays, restent désespérément anonymes, ignorant superbement les figures mythiques qui auraient pu leur donner une aura, une identité forte. Et que dire de nos stades, où les exploits de nos légendes sportives résonnent encore dans nos mémoires, mais dont les noms restent inexplicablement absents des frontons ? En revanche, les « carrefour Caca », « carrefour Beignets », « carrefour Banane », « carrefour huit », « carrefour tissus » voire le plus énigmatique « carrefour sorcier » se sont imposés et ont fini par acquérir une réputation établie dans nos cités. Ces appellations populaires dénuées d'une officialité administrative, témoignent d'une certaine appropriation spontanée de l'espace urbain par ses habitants.
A travers le continent africain, un vent de changement souffle depuis quelques années sur les plaques de rues et les frontons des institutions. Alors que les aéroports internationaux de Lagos à Abidjan, portant fièrement les noms de héros nationaux, résonnent déjà comme des hymnes à l'identité retrouvée, une vague de « décolonisation de l'espace public » s'amplifie. La Côte d'Ivoire est à la pointe de cette transformation audacieuse, avec une opération de « rebaptème » sans précédent lancée il y a quelques semaines à Abidjan. Pas moins de 600 artères, portant encore l'empreinte de l'ancienne puissance coloniale sur les 15 000 que compt...
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