« Le contentieux doit être totalement vidé »

Dr Alvine Henriette Assembe Ndi, historienne, membre du volet recherche de la Commission mixte franco-camerounaise sur le rôle et l’engagement de la France dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d’opposition au Cameroun (1945-1971).

Le président de la République française a envoyé le 30 juillet dernier une lettre à son homologue camerounais, Paul Biya, relative aux travaux rendus par la Commission mixte franco-camerounaise sur le rôle et l’engagement de la France dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d’opposition au Cameroun de 1945 à 1971. Il y reconnait le rôle et la responsabilité de la France dans les évènements survenus au Cameroun. Comment peut-on apprécier cette démarche ? 
C’est une prise de parole grave. On ne peut que l’apprécier et dire que c’est une reconnaissance des actes commis par la France au Cameroun et c’est effectivement ce qu’il fallait faire en ce moment précis. Parce que les officiers français n’avaient jamais reconnu la guerre que la France a menée au Cameroun et donc que le président de la République française reconnaisse cette guerre, c’est une avancée dans l’historiographie et même dans les rapports politiques internationaux entre la France et le Cameroun. Cela permet également de commencer le processus de réparation de la mémoire, parce ça ouvre la mémoire et de penser enfin les blessures. Plusieurs chercheurs ont démontré que la guerre existait. D’autres spécialistes ont parlé des opérations de maintien de l’ordre. La voix la plus autorisée au niveau de la France a tranché à la suite du rapport que nous lui avons remis. Le même document a été remis au président de la République Paul Biya et nous pensons que ceci est avancée très importante et qu’enfin, l’histoire peut être rétablie et justice peut être faite ou rendue à ces héros qui étaient nos compatriotes et qui ont longtemps été tancés de rebelles et de subversifs mais qui en réalité, étaient des nationalistes.


On note quand même que le flou persisterait sur le cas de Félix-Roland Moumié assassiné à Genève le 3 novembre 1960, alors qu’il est établi qu’une chaîne de commandement sous la direction de Jacques Foccart avait été mise en place. Pourquoi la France refuse-t-elle d’assumer cet autre crime alors qu’il y a des faits qui laisse peu de place au doute ? 
Une chaîne de commandement établie sous la direction de Foccart, pas vraiment. Mais dans notre rapport, nous avons assez documenté pour démontrer que la France avait eu sa part de responsabilité dans l’assassinat de Félix-Roland Moumié étant donné que celui qui l’a empoisonné c’était William Bechtel qui était quand même un membre de la main rouge et donc du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage pour voir que ce dernier était à la réserve et donc qu’il pouvait être mobilisé dans le cadre des opérations de feu orange, c’est-à-dire des opérations non officielles. Les archives du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage que nous avons consultées nous permettent de comprendre que Félix-Roland Moumié envisageait de rentrer au Cameroun. Des promesses lui avaient été faites dans ce sens par certaines autorités françaises pour qu’il vienne prendre le pouvoir en passant par une présentation aux élections législatives de 1960. Maurice Robert dans ses mémoires dit déjà que Ahidjo était très embêté par l’action de Félix-Roland Moumié. Il y a donc plusieurs pistes à explorer. Dans notre rapport, nous avons effectivement démontré que la France avait sa part de responsabilité dans cette affaire. Maintenant, si les autorités politiques françaises estiment qu’elles ne peuvent pas endosser l’assassinat de Moumié, on ne peut que le regretter parce que les autorités camerounaises de leur côté, ne nous ont pas ouvert toutes les archives (présidence de la République, DGRE) pour davantage éclaircir cet évènement. C’est un appel à nos autorités pour permettre aux historiens de faire leur travail.
Les recommandations formulées ouvrent désormais de nouvelles perspectives de coopération entre la France et le Cameroun dans le domaine de la recherche. Comment l’Université camerounaise et autres centres de recherche peuvent-ils capitaliser cette opportunité pour éclaircir les zones d’ombre qui persistent ?
Nous avons proposé la mutualisation des efforts et nous pensons qu’étant donné que c’est une histoire commune, il est imp...

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