Discours de haine : aux grands maux…

Comme il y a sept ans, l’approche de l’élection présidentielle coïncide cette année avec un déferlement de passion sur la scène publique. Notamment sur les réseaux sociaux, devenus au fil du temps, un terrain de défoulement et de déchaînement pour beaucoup. Des utilisateurs, assumés ou cachés derrière des noms de comptes en pseudonymes, déversent des flots d’insanités, mais aussi toute leur bile contre des institutions de la République, contre des personnalités, contre des groupes ethniques ou même contre d’autres internautes qui ont la « malchance » de ne pas partager leur point de vue. Le verbe vole souvent très bas, la ligne rouge est régulièrement franchie, sans que les auteurs de ces sorties qui constituent une claire menace à la cohésion au sein de la société camerounaise, ne soient vraiment inquiétés. Cette violence verbale est pourtant un réel sujet de préoccupation, surtout dans un contexte d’année électorale, où les divergences de vues peuvent facilement être instrumentalisées pour servir des causes dangereuses.
Jusqu’où ira donc le discours de haine ? Il est permis de s’inquiéter, quand on observe les joutes verbales sur Facebook ou ailleurs. Cette impression que le repli identitaire et la non acceptation de l’autre comme membre de plein droit de la grande famille Cameroun, donne un peu froid dans le dos. Tout comme cette obsession à diviser le pays dans une vision manichéenne, en deux blocs imaginaires : soit on est « sardinard », soit on est « tontinard ». Des néologismes glissés dans le langage populaire, comme une plaisanterie, qui portent en eux les germes de la division. Et qui, si l’on n’y prend garde, s’installent durablement dans le subconscient et construisent en chacun l’idée d’une appartenance à l’un ou l’autre bloc et surtout le rejet des autres. Voilà le péril qui guette l’unité nationale, l’harmonie entre les Camerounais, qu’on désigne communément sous le vocable « vivre-ensemble ». 
Ce qui est clair, c’est que le discours de haine est un fossoyeur du vivre-ensemble. Et alors qu’officiellement tout le monde le condamne, il est curieux de constater qu’il ne s’est jamais aussi bien porté. Pouvoirs publics, hommes politiques et leaders d’opinion de tous bords, société civile… se prononcent à fréquence plus ou moins régulière sur le risque que court la nation devant la montée du discours de haine. Des institutions publiques ont organisé des opérations de sensibilisation des populations, les médias ont été impliqués. Et pourtant, malgré tout ce déploiement, il persiste  plutôt l’impression qu’une force invisible n’a de cesse d’attiser le feu. Car comment comprendre que l’ardeur des porteurs de haine ne baisse pas face à tant d’assauts des « mendiants de la paix » ? 
L’explication, selon certains analystes, est que des leaders d’opinion jouent au double-jeu. Proclament haut et fort leur attachement au vivre-ensemble, mais dans la pénombre, à l’abri des projecteurs et des caméras, dans l’anonymat (croient-ils) d’un écran de smartphone, se muent en véritables ingénieurs de la division. D’après cette lecture qui n’est pas dénuée de fondement, ces « demi-gestes » entretiennent le feu et contribuent à instrumentaliser les esprits les plus faibles. Tout Camerounais sensé est pourtant supposé voir l’évidence : c’est uni qu’on est plus fort, et les différences sont le ciment de cette force, et non un point faible. 
Alors, que faire devant cette persistance du discours de haine ? Que faire devant la menace qui plane sur les bases de la nation ? Agir, évidemment. Les premières approches ont consisté à éduquer, à sensibiliser. Mais force est de constater que cela ne suffit plus. Et quand la sensibilisation ne rencontre qu’entêtement et récidive, il ne reste qu’un choix : ajouter la répression. Il ne s’agit pas d’arrêter de parler aux Camerounais, de leur montrer l’étendue des risques qu’il y a, à fragiliser le vivre-ensemble. Mais il faut bien se dire que les dérives verbales sur les réseaux sociaux représentent un poison puissant, susceptible d’ébranler en quelques mois, ce qui a été construit en une soixantaine d’années par les pères fondateurs et de la République et consolidé, protégé depuis quatre d&eacut...

Reactions

Commentaires

    List is empty.

Laissez un Commentaire

De la meme catégorie