Le grand tournant

L’exercice d’exposition médiatique des attentes fortes du nouveau mandat que votre journal a coutume d’effectuer à l’aube de tout nouveau bail présidentiel n’a rien de prétentieux. Il s’inscrit dans une logique d’accompagnement des gouvernants et de conscientisation des gouvernés. Le leader que les électeurs camerounais viennent de plébisciter pour sept années, Paul Biya, est sans doute celui qui connaît le mieux le Cameroun. Avec ses grandeurs et ses misères, ses atouts et ses faiblesses. En commandant de bord avisé, il a déjà son propre plan de navigation avec ses lignes de crête et ses priorités, comme on a pu l’entendre lors de son discours d’investiture le 6 novembre dernier. Qui plus est, il dispose de son livre-programme, « Pour le libéralisme communautaire », véritable manifeste de sa gouvernance, qu’il a revisité il y a quelques mois à peine, afin de l’adapter aux temps nouveaux, avec leurs défis multiples. Il est donc prêt à l’action. Dès maintenant. 
Toutefois, la mission du journaliste, médiateur social par excellence, témoin et acteur des succès et des drames de son époque, n’en tombe pas pour autant dans la désuétude. Elle est plus que jamais d’actualité, pour éclairer, mettre en perspective, évaluer, arbitrer les priorités et les procédures, brandir les records ou alerter sur les dangers. Cette irruption est d’autant plus pertinente au moment où le pays, tout bien considéré, se trouve à un grand tournant de son histoire. Un tournant, oui. Parce que la situation est grave, les frustrations nombreuses, les attentes démesurément grandes. Selon l’aveu même du président de la République.
Après des réformes politiques et institutionnelles d’envergure dans les années 90, conclues sur la base d’un fort consensus politique, au sortir des années de braise, le Cameroun a joui d’une belle période de démocratie apaisée et de croissance économique relativement forte. Avant de retomber au milieu des années 2000 sous les fourches caudines d’une combinaison de crises et d’une rébellion armée. Comme par hasard au moment où les planètes s’étaient alignées favorablement afin de favoriser la transformation économique ! Une vingtaine d’années plus tard, comme si l’Histoire se répétait, le scénario est peu ou prou le même à l’aube de ce huitième mandat présidentiel. Devant les forces centrifuges qui travaillent à saper la paix, la cohésion nationale, Paul Biya s’est montré peu disert lors de sa prestation de serment, mais d’une extrême fermeté. Si la main paternelle demeure tendue, il ne fera aucune concession à ceux qui tenteront de bafouer l’ordre public et la loi.
Le grand tournant historique se justifie et se lit également à l’aune de l’état du monde et des nouvelles postures de la communauté internationale, plus divisée que jamais entre blocs d’intérêt : le G7 et l’Occident, l’Organisation de la coopération de Shanghai (OCS), le Sud global, les BRICS, tout cela sur fond de repli de la grande puissance américaine sur ses propres intérêts, et d’émergence irréversible de la Chine suivie de l’Inde. Ce nouveau contexte mondial est une difficulté supplémentaire pour un leader africain de la trempe de Paul Biya, désireux de conduire son pays vers les rives de la prospérité. D’autant plus difficile que certaines puissances n’hésitent plus à instrumentaliser les groupes terroristes, le communautarisme, les conflits territoriaux inter-Etats, pour faire plier les gouvernements les plus faibles et parvenir à leurs fins. Mais n’est-ce pas précisément pour gérer cette complexité que le président Paul Biya a été choisi par ses compatriotes ?
À sa manière de se mouvoir avec subtilité dans le labyrinthe diplomatique global, de diversifier la coo...

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