Contre la manipulation, le consensus social

La crise post-électorale qui ouvre le nouveau septennat de Paul Biya est une épreuve de vérité. Dans la mesure où elle a été fomentée comme cela apparaît aux yeux de tous, par un candidat à l’élection présidentielle, appuyé par quelques lobbys politico-communautaires au Cameroun et dans la diaspora. À l’observation, le scénario était limpide : auto-proclamation anticipée de la victoire, refus d’ester devant l’instance constitutionnelle d’arbitrage, rejet du verdict des urnes, appel à la désobéissance civile. Dans un seul but : susciter le cycle infernal provocation/répression, en appeler à la communauté internationale pour désavouer et sanctionner un régime « liberticide et infanticide ». 
Un scénario digne de Nollywood, qui ferait ricaner s’il ne s’agissait pas du destin d’un pays, de l’honneur d’une nation, de l’avenir d’une jeunesse honteusement instrumentalisée, de la survie de centaines d’opérateurs économiques, de petits commerçants et de leurs familles, sous la menace d’exactions et de vandalisme. Au nom d’une « victoire volée », où l’absence de preuves matérielles est compensée par une rhétorique haineuse, violente, voire guerrière, avec l’ambition à peine voilée d’instrumentaliser le levier ethno-tribal afin de créer des tensions sociales, et ouvrir la porte à une insurrection.
Cette scénarisation honteuse aurait pu prospérer à une seule condition : que tous les Camerounais ou la majorité d’entre eux soient convaincus de ladite victoire, à travers des preuves irréfutables. On en est loin. 
Le Conseil constitutionnel a rendu son verdict sur la base d’un travail documenté établi par la Commission nationale de recensement général des votes lors de séances où étaient représentés les 12 candidats ou leurs mandataires, quoiqu’on ait relevé l’absence récurrente du représentant du Front pour le Salut national du Cameroun (FSNC). C’est dans cette antre où les procès-verbaux étaient épluchés en présence des parties prenantes pour les 31 000 bureaux de vote que le candidat Issa Tchiroma aurait dû confondre les « voleurs de victoire ».
Cette crise, nous en sommes persuadés, pour inopportune qu’elle soit, au moment où se dessinent l’espoir d’une relance économique vigoureuse et la baisse progressive des tensions sécuritaires, peut être positive. Si du moins elle parvient à contraindre le système politique et les citoyens à affronter et à accepter la réalité : la géopolitique mondiale nous impose de sortir d’un climat de guerre civile permanente et de créer un consensus national autour du pouvoir en place, pour protéger la stabilité du Cameroun et des institutions. Nous vivons en ce moment –espérons-le- les derniers spasmes d’une tentative de déstabilisation dont tout le monde peut apprécier les objectifs mortifères et le cynisme des acteurs. Si nous ne changeons pas, le triangle national n’est pas à l’abri d’un autre coup de force. Nous sommes convaincus que les acteurs politiques de notre pays et les forces vives doivent créer en permanence un modus vivendi. Qu’est-ce à dire ? Elles devraient, dans un cadre institutionnel ou non, débattre, dialoguer sans cesse sur les problèmes du pays, mobiliser le patronat, les lobbies divers, la société civile, sur les enjeux de l’heure, et travailler à leur nécessaire implication dans l’érection d’un consensus global.
Certes les conditions à réunir pour établir cette plateforme consensuelle sont difficiles, mais non pas impossibles. Le préalable consistant avant tout à créer ou à rétablir la confiance entre le pouvoir et ses vis-à-vis. Côté pouvoir, il faudra sans aucun doute privilégier le compromis à l’autoritarisme. Quant à l’opposition, il est temps qu’elle se convainque que « le fruit ne mûrit pas au feu de l’impatience » (Huy Cân, poète vietnamien). Et qu’elle doit commencer un travail méthodique, car elle a accompli de grands progrès lors de la dernière présidentielle. 
Dans un passé récent, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) au pouvoir, et le Social Democratic Front (SDF), à l’époque première force de l’opposition, avaient réussi l’exploit d’un consensus a minima. Ils s’étaient accordés sur l’épine dorsale de la politique du gouvernement. C’est en tout cas le constat qui a pu être fait : sur des points essentiels comme la sécurité, la réponse aux sécessionnistes, la décentralisation, le leader de l’opposition d’alors, Ni John Fru Ndi, a toujours affiché une parfaite convergence avec le président de la République.
Il est clair qu’une semblable unité de vision s’impose d’autant plus aujourd’hui, dans un environnement international où l’Afrique encore vierge...

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